Quand un solide poreux garde ses propriétés à l'état liquide

Chimie

Connus pour leur porosité exceptionnelle permettant de piéger ou de transporter des molécules, les réseaux métallo-organiques (MOFs) se présentent sous forme de poudre, ce qui les rend difficiles à mettre en forme. Pour la première fois, une équipe internationale menée par des chercheurs de l'Institut de recherche de Chimie Paris (CNRS/Chimie ParisTech 1 ), associant notamment Air Liquide, met en évidence la capacité surprenante d'un type de MOF à garder ses propriétés de porosité à l'état liquide, puis à l'état vitreux. Publiés le 9 octobre 2017 sur le site de la revue Nature Materials, ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles applications industrielles.

  • 1Chimie ParisTech et le CNRS figurent parmi les membres de Paris Sciences & Lettres.

Les réseaux métallo-organiques (MOF) constituent une classe de matériaux particulièrement prometteuse. Leur porosité exceptionnelle permet de stocker et de séparer de grandes quantités de gaz, ou d'agir comme catalyseur de réactions chimiques. Mais leur structure cristalline implique qu'ils sont produits sous forme de poudre, difficiles à stocker et à mettre en œuvre pour des applications industrielles. Pour la première fois, une équipe de chercheurs associant le CNRS, Chimie ParisTech, l'université de Cambridge, Air Liquide et les synchrotrons ISIS (Royaume-Uni) et Argonne (États-Unis) a montré que les propriétés d'un type de MOF à base de zinc étaient de manière inattendue conservées en phase liquide (l'état liquide n'est pas celui qui favorise la porosité). Puis, après refroidissement et solidification, le verre obtenu adopte une structure désordonnée, non-cristalline, qui conserve également les mêmes propriétés en termes de porosité. Ces résultats permettent une mise en forme et une utilisation de ces matériaux bien plus efficaces que sous forme de poudre.

Pour les obtenir, les chercheurs ont observé par diffraction de neutrons et de rayons X la structure du MOF après fusion, une fois celui-ci en phase liquide. Ils ont corrélé ces données à des simulations moléculaires reproduisant les mêmes conditions de température que celles appliquées au MOF lors de sa fusion. La combinaison des deux méthodes leur a permis de décrire l'évolution de la structure du matériau lorsqu'il passe en phase liquide et lorsqu'il se re-solidifie. Ils ont ainsi réussi à mettre en évidence un mécanisme atypique. Le MOF étudié est composé d'édifices moléculaires en forme de pyramide, dont chacune consiste en un atome de zinc entouré de quatre molécules organiques cycliques, appelées imidazolate. Lors de la fusion, l'énergie amenée par l'élévation de température permet de rompre une liaison entre un imidazolate et le zinc, brisant la structure pyramidale. La place vacante est alors occupée par un autre cycle imidazolate lâché par une pyramide voisine pour reformer la structure de base. Ce sont ces échanges moléculaires entre édifices complexes qui donnent au MOF son caractère liquide.

Dans le cas du MOF étudié, la porosité réside dans la présence d'interstices inoccupés entre les édifices pyramidaux, qui peuvent être remplis par des gaz. Comme le MOF conserve la même structure pyramidale à l'état liquide, sa porosité est maintenue dans cet état. Outre la capacité de ce MOF à garder ses propriétés après fusion, l'étude décrit ici un cas de liquide poreux, dont la littérature scientifique ne rapporte que très peu d'exemples.

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© F.-X. Coudert / CNRS
Structure cristalline du matériau ZIF-4 à température ambiante
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© F.-X. Coudert / CNRS
Structure désordonnée à haute température du matériau ZIF-4

 

Bibliography

Liquid metal–organic frameworks. Romain Gaillac, Pluton Pullumbi, Kevin A. Beyer, Karena W. Chapman, David A. Keen, Thomas D. Bennett and François-Xavier Coudert. Nature Materials. Publié en ligne le 9 octobre 2017. 
doi: 10.1038/nmat4998.

Contact

François-Xavier Coudert
CNRS researcher
Priscilla Dacher
Deputy head of CNRS press office