" Le CNRS, un atout pour bâtir une économie souveraine ", Antoine Petit, président-directeur général du CNRS

CNRS

La crise sanitaire que nous venons de subir débouche sur une autre crise économique d’une ampleur inquiétante. Face aux difficultés, certaines entreprises semblent vouloir faire le choix de réduire leurs activités de R&D. Je les invite à relire l’introduction du rapport Juppé-Rocard de 2009 : « Investir pour l’avenir (…) parce qu’il faut réapprendre à voir large et loin : ceux qui se laissent écraser par la tyrannie du court terme sont condamnés à toujours réagir au lieu d’agir, à toujours saupoudrer au lieu de choisir, bref à toujours subir ».

Plus que jamais, il faut renforcer les relations entre le monde industriel et le monde académique, pour préparer ensemble les innovations de rupture de demain et d’après-demain. Le CNRS a une forte tradition de collaborations avec les grands groupes industriels français. Il est aujourd’hui volontaire pour aller plus loin.

Dès le début, l’organisme de recherche s’est mobilisé pour être un acteur dynamique de la relance économique. Plusieurs tendances scientifiques et technologiques ont émergé de l’étude sur l’impact de la crise sanitaire sur les activités de R&D que nous avons lancée. La plus marquante est l’affirmation du besoin d’une économie souveraine et écologique. Le constat de faiblesse lié à la dépendance vis-à-vis de sources d’approvisionnement a réveillé un besoin de souveraineté.  Pour autant, relocaliser la production industrielle sur le territoire national tout en restant compétitifs sur les marchés mondiaux reste un vrai défi. De nouveaux processus industriels, productifs, compétitifs et respectueux de l’environnement sont à concevoir. Les solutions de l’industrie 4.0 (fabrication additive, jumeaux numériques, Internet des objets, cloud manufacturing, etc. ) développées dans nos laboratoires peuvent être sollicitées.

L’exigence de concevoir des produits sains va devenir une préoccupation essentielle pour certaines filières, notamment celles du bâtiment ou des transports. Il faudra apprendre à réutiliser des matériaux de constructions plus naturels ou encore trouver des solutions pour l’assainissement des habitacles confinés. Distanciation dans le travail ou dans les loisirs, la contribution des sciences humaines et sociales sera indispensable pour étudier l’évolution des comportements et des organisations, l’adaptabilité des territoires ou l’acceptabilité des transformations digitales.

La gestion des ressources naturelles est une autre tendance qui s’est amplifiée. Les travaux des acteurs locaux et des filières industrielles comme celle de l’eau en attestent déjà :  transition végétale, dépollution naturelle, innovation dans la résilience, réduction de l’empreinte carbone sont au cœur des préoccupations.  

Enfin, le numérique s’est imposé, partout. S’il a permis l’analyse de la propagation de la pandémie, il a aussi accéléré le télétravail. Les algorithmes, l’intelligence artificielle, l’exploitation, le stockage et l’accessibilité des données, les technologies digitales, l’interprétation des signaux faibles, le pilotage à distance sont autant de besoins sur lesquels nos compétences peuvent être mobilisées.

Sur tous ces sujets, nous sommes prêts à développer de nouvelles collaborations, à accueillir des personnels de R&D des entreprises, dans le cadre de projets de recherche partagés. De plus, le CNRS prend une part active dans les plans de relance sectoriels annoncés par le Gouvernement, notamment dans les domaines de l’automobile, de l’aéronautique et de la santé. Nous sommes en mesure de proposer des idées nouvelles, des orientations, qui s’appuient sur le meilleur de la science française.

Avec ses partenaires académiques, le CNRS, ses dix instituts thématiques, les 1 000 laboratoires, ses 32 000 chercheurs et ingénieurs, sont des atouts essentiels pour affronter la crise économique et sociale qui s’annonce et donner un nouvel élan à notre pays. 

Tribune publiée dans Les Échos