Le CNRS a deux nouvelles Étoiles de l’Europe

CNRS

Ce mardi 6 décembre se tenait la cérémonie des Étoiles de l’Europe qui récompense les coordinateurs de projets de recherche collaboratifs européens. Jean-François Doussin et Nicolas Mansard sont lauréats.

« La coordination d’un projet européen permet de fédérer et de réunir des partenaires autour d’une même expertise. Ce rôle fédérateur offre une visibilité singulière à la France dans le paysage européen de la recherche, tant pour les chercheurs, que pour les structures qui les portent. Ils deviennent autant d’ambassadeurs de notre recherche et de notre potentiel d’innovation », a souligné la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau à l’occasion de Forum Horizon Europe, au cours duquel se déroulait la cérémonie des Étoiles de l’Europe. « Je félicite les équipes de chercheuses et chercheurs qui se sont investis et qui ont fait le choix audacieux de l’Europe en coordonnant des projets collaboratifs », a ajouté la ministre à l'attention des chercheurs et des chercheuses lauréats.

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La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau a remis les prix aux lauréats des Etoiles de l'Europe. © CNRS/ Forum Horizon Europe

La journée, qui s'est déroulée au Musée du quai Branly – Jacques Chirac a été rythmée par des tables-rondes sur la place des infrastructures de recherche dans Horizon Europe, la préparation d’un projet collaboratif européen et les objectifs des missions européennes.

Les trophées des Étoiles de l’Europe ont été remis à 12 lauréats dont deux scientifiques portant des projets CNRS : l’enseignant-chercheur en chimie de l’atmosphère, Jean-François Doussin et Nicolas Mansard, chercheur en robotique

Eurochamp pour la compréhension de l’impact de la pression atmosphérique sur le climat, la santé et le patrimoine

« Je reçois une étoile, mais il me faudrait une constellation pour les donner à tous ceux qui ont participé à ce projet », a indiqué Jean-François Doussin, professeur à l’Université Paris-Est Créteil, directeur adjoint scientifique Océan-Atmosphère à l’Institut National des Sciences de l’Univers du CNRS (INSU) et coordinateur du projet Eurochamp-2020 à la remise de son trophée. Financé par le programme Horizon 20201  sur une durée de cinq ans, le projet Eurochamp-2020 a réuni un consortium de 14 partenaires européens coordonné par le CNRS – pour un budget de 9 millions d’euros. Ce projet européen d’infrastructures en science de l’environnement a visé à mettre en réseau les chambres de simulation atmosphérique Européennes2  : des outils rares et lourds qui servent à reproduire des atmosphères synthétiques pour étudier la transformation des polluants dans l’atmosphère. « L’objectif est de comprendre comment les polluants réagissent entre eux sous de la lumière solaire, de la présence d’autre polluants, de nuages, d’aérosols, etc… C’est une chimie très complexe qu’il faut modéliser pour prévoir les évènements de pollution, comme par exemple un pic d’ozone ou un évènement de particules fines ». Une vingtaine d’installations en Europe, se chiffrant à plusieurs millions d’euros chacune, permettent d’étudier aussi bien la compréhension de la pollution aux particules fines, que l’impact de la pollution atmosphérique sur le climat, la santé ou encore le patrimoine. « Si cette science est née aux Etats-Unis, l’Europe aujourd’hui en est leader grâce à des initiatives telles que Eurochamp. » Le projet européen s’est construit sur trois piliers. D’abord favoriser le réseautage pour le partage de connaissances et établir de bonnes pratiques entre experts. Également, « préparer l’avenir » grâce une recherche méthodologique sur l’adaptation des protocoles et des outils analytiques aux questionnements scientifiques émergeants. Et enfin, l’ouverture des installations aux utilisateurs extérieurs afin de favoriser l’accès des scientifiques non spécialistes de la simulation expérimentale aux chambres de simulation les plus avancées et les plus adaptées à leur recherche. « 50 % du budget d’Eurochamp a été dédié à cette ouverture nécessairement transnationale pour construire le paysage scientifique européen. Les scientifiques accueillis étaient donc financés pour leur voyage et leurs expériences sur les installations. » Un projet qui a su intéresser les industriels pour l’évaluation de l’impact environnemental de leurs productions, pour le développement d’instrumentations de suivi de la pollution de l’air, ou encore avec l’émergence du marché des capteurs personnels, ou pour connaitre l’impact environnemental d’un produit - comme par exemple un pesticide ou une technologie automobile ou un carburant. « Ces questions ont fortement connecté Eurochamp au secteur industriel qui comptait plus d’une quinzaine de partenaires et d’utilisateurs privés. » Si Eurochamp s’est terminé en 2022, les partenaires prépare dans le cadre de la feuille de route ESFRI3  la fondation d’une infrastructures distribuées pérenne. « Dès le début du projet, nous nous sommes rapprochés de l’infrastructure ACTRIS4  qui fédère les sites atmosphères d’observation du climat. Aujourd’hui, nous avons fusionné et allons créer une organisation internationale– ACTRIS ERIC - qui continuera les actions d’Eurochamp. »

  • 1Le programme Horizon 2020 (2014-2020) regroupe les financements de l'Union européenne en matière de recherche et d'innovation et s'articule autour de trois grandes priorités : l'excellence scientifique, la primauté industrielle et les défis sociétaux. 
  • 2Installations au sein desquelles sont reproduites de manière contrôlé les conditions atmosphériques pour reproduire la transformation des polluants dans l’atmosphère et en étudier les déterminants et leurs impacts.
  • 3Le Forum stratégique européen sur les infrastructures de recherche, ou ESFRI, est une démarche stratégique dont l’objectif est de soutenir une approche cohérente dans l'élaboration d’une politique d’équipement en infrastructures de recherche de classe mondiale qu’aucun pays-membres ne serait en mesure de financer tout seul.
  • 4ACTRIS est une infrastructure de recherche européenne distribuée, en support des recherches sur le climat et la qualité de l’air. Elle permet d’améliorer la compréhension de l’évolution des processus et de la composition atmosphériques en coordonnant les services nationaux d’observations atmosphériques.

MEMMO : les robots du futur
« Je voudrais remercier les personnes qui m'ont aidé à coordonner ce projet. C'est un projet monté par un consortium de jeunes chercheurs. Cela a été une grande fierté pour moi d'être choisi pour coordonner ce projet », a indiqué Nicolas Mansard, chercheur en robotique, médaillé de bronze du CNRS et coordinateur du projet MEMMO lors de la cérémonie. Financé par le programme Horizon 2020 sur une durée de quatre ans, le projet MEMMO (Memory of Motion) a réuni un consortium de 10 partenaires européens – dont le LAAS - CNRS - pour un budget de 4 millions d’euros. Ce projet européen a eu pour objectif de dépasser le savoir-faire actuel du robot marcheur en combinant des compétences en contrôle prédictif et l’apprentissage automatique. « Nous avons voulu prouver qu’il était possible de générer des mouvements complexes pour des robots arbitraires avec des bras et des jambes interagissant dans un environnement dynamique en temps réel », rapporte Nicolas Mansard. Pour ce faire, le consortium a réuni un groupe d’experts en optimisation numérique, apprentissage machine, contrôle et conception de robot pour dépasser les capacités de contrôle actuels qui ne permettent pas le calcul générique de mouvements complexes en temps réel. « Le projet MEMMO s'appuie sur une mise en mémoire massive de mouvements optimaux précalculés qui sont récupérés et adaptés à de nouvelles situations avec un contrôle prédictif de modèle traitable en temps réel et où tous les capteurs disponibles sont exploités pour un contrôle par rétroaction », explique Nicolas Mansard. L’équipe a ainsi réalisé trois démonstrateurs : un robot humanoïde travaillant dans une usine du futur dans l'aérospatial (en partenariat avec Airbus, leader de cette industrie), un quadrupède pour explorer des structures de génie civil (tunnels de mines, bâtiments et villes - en partenariat avec Costain, le constructeur britannique du tunnel sous la Manche), et un exosquelette (en partenariat avec la fédération APAJH, association pour adultes et jeunes handicapés) pour permettre aux patients paraplégiques de marcher. Pour les trois démonstrateurs, la preuve de concept a été réalisée. Si le robot humanoïde n’existe pas encore hors laboratoire, le quadrupède fonctionne mais n’est pas encore un produit, quant à l’exosquelette il est déjà un outil utilisé dans les centres de rééducation. « Nous avons pu démontrer sur une échelle de quatre ans qu’une seule idée pouvait irriguer des champs applicatifs différents et s’implémenter sur trois plateformes différentes. » Avec une preuve de concept validée, le projet MEMMO ouvre tout un champ de possibilités en termes d’applications industrielles alors qu’une telle technologie révolutionnerait certainement les capacités de mouvement des robots et débloquerait un large éventail de services et d’outils très concrets. « Aujourd’hui l’exosquelette permet à des patients de travailler leur rééducation en centre hospitalier, mais à terme, il pourrait remplacer le fauteuil roulant. »