Des molécules artificielles qui miment l'ADN

Biologie
Chimie

Non seulement les molécules synthétiques peuvent imiter les structures de leurs modèles biologiques, mais elles peuvent aussi assumer leurs fonctions et même leur faire concurrence. C'est ce que viennent de démontrer des chercheurs du CNRS, de l'Inserm et de l'université de Bordeaux en mettant au point une séquence artificielle mimant pour la première fois les propriétés de surface de l'ADN. Cette molécule artificielle est capable d'inhiber l'activité de plusieurs enzymes, y compris celle utilisée par le VIH pour insérer son génome dans celui de sa cellule-hôte. Ces résultats, publiés le 2 avril 2018 dans Nature Chemistry, ouvrent la voie à de nouveaux outils pharmacologiques basés sur l'inhibition des interactions ADN-protéines.

L'ADN, molécule centrale du vivant, est le porteur de l'information génétique organisée dans les deux brins complémentaires de sa double hélice. Pour que l'information génétique soit lue et mise à exécution, ou au contraire pour empêcher ou réguler son expression, une multitude de protéines interagissent avec l'ADN, par exemple en « s'accrochant » aux charges négatives situées à sa surface. C'est le cas de l'intégrase du VIH qui permet l'insertion de l'ADN viral au sein de l'ADN humain et de la topoisomérase 1, une enzyme qui sert à relâcher les tensions au sein de la molécule d'ADN lorsque celle-ci est surenroulée. 

Des chercheurs de l'Institut de chimie et biologie des membranes et nano-objets (CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP) 1 , du Laboratoire de microbiologie fondamentale et pathogénicité (CNRS/Université de Bordeaux) et de l'Institut de recherche en cancérologie de Montpellier (Inserm/Université de Montpellier) ont réussi à synthétiser des molécules hélicoïdales qui imitent parfaitement les caractéristiques de surface de la double hélice d'ADN et notamment le positionnement de ses charges négatives. Ces molécules sont des dérivées de foldamères aromatiques, des objets synthétiques ayant une forte propension à adopter des formes repliées, dans le cas présent une hélice simple. L'imitation est si convaincante que ces foldamères agissent comme des leurres pour certaines protéines se liant à l'ADN, y compris la topoisomérase 1 et l'intégrase du VIH. Les chercheurs ont démontré que les mimes synthétiques constituent de meilleurs ligands pour ces enzymes que l'ADN naturel et ceci même avec des concentrations faibles de foldamères.  Il semblerait que cette efficacité soit due à leurs quelques différences avec l'ADN naturel.

Ces mimes d'ADN ouvrent la voie à des approches encore inexplorées dans l'inhibition des interactions ADN-protéines qui pourraient, à l'avenir, déboucher sur de nouveaux médicaments.

Des molécules artificielles qui miment l'ADN
© Ivan Huc.

Représentation d'une double hélice d'ADN (à droite) et d'un mime de l'ADN (à gauche), constitué d'une simple hélice, à la surface de laquelle deux réseaux de charges négatives (sphères rouges et grises) sont positionnés comme les charges négatives des deux brins de l'ADN.
  • 1Parmi lesquels des chercheurs de l'équipe d'Ivan Huc à l'Institut Européen de chimie et biologie (CNRS/Inserm/Université de Bordeaux).
Bibliographie

Single helically folded aromatic oligoamides that mimic the charge surface of double-stranded B-DNA. Krzysztof Ziach, Céline Chollet, Vincent Parissi, Panchami Prabhakaran, Mathieu Marchivie, Valentina Corvaglia, Partha Pratim Bose, Katta Laxmi-Reddy, Frédéric Godde, Jean-Marie Schmitter, Stéphane Chaignepain, Philippe Pourquier and Ivan Huc. Nature Chemistry, le 2 avril 2018. DOI : Consulter le site web

Contact

Ivan Huc
Chercheur en chimie supramoléculaire
Alexiane Agullo
Attachée de presse CNRS