Les cellules de l'intestin se purgent pour se protéger des bactéries

Biologie
Santé

Si la purge n'est plus autant prescrite qu'il y a quelques siècles, les cellules de l'intestin utilisent pourtant inlassablement ce vieux remède. Des chercheurs des laboratoires Réponse immunitaire et développement chez les insectes (CNRS), Immunorhumatologie moléculaire (Inserm/Université de Strasbourg) et Procédés alimentaires et microbiologiques (AgroSup Dijon/Université de Bourgogne) ont montré que les cellules intestinales attaquées par des bactéries pathogènes se purgent rapidement d'une grande partie de leur contenu. Cela les protège de l'infection et provoque un amincissement fort et temporaire de l'épithélium. Ces travaux, publiés le 23 novembre dans Cell Host & Microbe, pourraient à terme aider à mieux comprendre les maladies inflammatoires de l'intestin comme la maladie de Crohn.

Serratia marcescens est une bactérie opportuniste, présente partout dans l'environnement. Lorsque qu'elle est ingérée continûment par des drosophiles, les mouches succombent en quelques jours. Les analyses de la couche de cellules qui recouvre l'intérieur de l'intestin, l'épithélium, réalisées toutes les 24 heures, ne montrent cependant aucun dégât apparent. Les chercheurs ont alors observé les toutes premières heures qui suivent l'infection. L'épithélium y apparaît cette fois-ci spectaculairement aminci, au point de sembler disparaitre, avant de reprendre sa forme originelle dans les heures qui suivent. Les cellules intestinales, les entérocytes, présentent une forte réduction du cytoplasme, ayant perdu une grande partie de leur contenu à l'exception du noyau. Elles se débarrassent ainsi des organites endommagés, d'une partie des bactéries qui essayent de traverser la paroi intestinale et des toxines bactériennes. La paroi intestinale en est momentanément amincie.

La présence d'hémolysine, une toxine bactérienne formant des pores dans les membranes des cellules cibles, sert de signal pour la purge des cellules. Ainsi, les chercheurs ont montré qu'une souche mutante de S. marcescens incapable de sécréter de l'hémolysine devenait plus virulente. Elle perd l'effet de la toxine mais ne déclenche en revanche plus la purge protectrice, ce qui lui permet d'endommager l'épithélium avec ses autres facteurs de virulence. Des études complémentaires montrent que ce phénomène d'amincissement et de reconstitution du volume de l'épithélium intestinal se retrouve des abeilles à l'homme, en passant par la souris. D'autres travaux seront nécessaires afin de déterminer les mécanismes moléculaires mis en jeu et, plus généralement, de préciser si des anomalies dans ce processus pourraient aider à mieux comprendre les causes des maladies inflammatoires de l'intestin, comme la maladie de Crohn. 

 

Vue de l'épithélium d'une drosophile. En vert un entérocyte se purgeant de son contenu endommagé dans la lumière de l'intestin, en rouge les filaments d'actine et en bleu l'ADN
© Catherine Socha

Vue de l'épithélium d'une drosophile. En vert un entérocyte se purgeant de son contenu endommagé dans la lumière de l'intestin, en rouge les filaments d'actine et en bleu l'ADN.

 

Bibliographie

Enterocyte purge and rapid recovery is a resilience reaction of the gut epithelium to pore-forming toxin attack. Lee, K.-Z., Lestradet, M. Socha, C., Schirmeier, S., Schmitz, A., Spenlé, C., Lefebvre, O., Keime, C., Yamba, W. M., Bou Aoun, R., Liegeois, S., Shwab, Y., Simon-Assmann, P., Dalle, F., Ferrandon, D.. Cell Host & Microbe. 23 novembre 2016.

Contact

Dominique Ferrandon
CNRS researcher
Martin Koppe
CNRS Press Office