Libération des neurotransmetteurs : une nouvelle porte s’ouvre

Résultats scientifiques Vivant et santé

L’acheminement de molécules, telles que les neurotransmetteurs, jusqu’à leurs cibles est crucial pour réguler les fonctions de l’organisme. Des chercheurs du laboratoire « Pasteur » (CNRS/ENS/UPMC) bousculent les connaissances de la phase finale de ce transport, l’exocytose, qui permet de les délivrer, en démontrant un mécanisme dissocié entre neurotransmetteurs et hormones peptidiques, une étape jusqu’alors ignorée. Une découverte à contre-courant qui laisse envisager un mécanisme de libération sélective des molécules. Ces travaux sont publiés dans la revue Proceedings of the Royal Society A.

Les cellules endocrines, comme celles contenues dans les glandes surrénales ou l’intestin, fabriquent puis libèrent des neurotransmetteurs et des hormones peptidiques qui, en véritables « messagers », jouent un rôle fondamental dans les fonctions de l’organisme et leur régulation. Concrètement, ces molécules sont produites par la cellule, puis encapsulées dans de petits sacs sphériques – des vésicules – qui migrent jusqu’à la membrane de la cellule. Lorsque le signal est reçu de les délivrer, les vésicules s’arriment à la membrane cellulaire puis les membranes fusionnent en ouvrant un passage – un pore – qui laisse passer les molécules vers le milieu extérieur de la cellule. C’est l’exocytose.

En particulier grâce aux travaux de James Rothman, Randy Schekman et Thomas Südhof pour lesquels ils ont reçu le prix Nobel de médecine en 2013, ces mécanismes de transport cellulaire sont bien connus. Mais une nouvelle étape vient d’être franchie. Il est en effet admis que la fusion entre la membrane de la vésicule et celle de la cellule conduit rapidement à une ouverture totale de la vésicule ; autrement dit le pore devient, en quelques millisecondes, aussi large que la vésicule elle-même.
Les chercheurs du laboratoire « Pasteur », spécialistes de l’électrochimie moléculaire, mettent aujourd’hui en évidence l’existence d’un état insoupçonné : le trou qui se forme ne dépasserait pas un dixième du diamètre de la vésicule et ne pourrait donc délivrer que de petites molécules. À cette étape, la vésicule resterait quasiment intacte, pourrait se refermer et être mise en réserve. 
Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont utilisé la technique de « synapse artificielle » qui permet, à l’aide d’une électrode placée contre la membrane de la cellule, de détecter le nombre de molécules qui en sortent par unité de temps (lorsqu’elles touchent l’électrode, un courant est créé). Ils ont ensuite développé un modèle mathématique inédit capable, à partir de la mesure de la vitesse à laquelle les molécules passent par un trou donné, de reconstituer la taille du trou. 
Ainsi, pour la première fois, la taille du pore – bien trop petite pour être observée par microscopie – a pu être mesurée quantitativement. Plus encore, c’est sa dynamique, soit son ouverture dans le temps qui a pu être étudiée. Ces résultats amènent les chercheurs à envisager un processus vésiculaire qui permettrait une libération contrôlée en 2 étapes :

  • une première où l’ouverture limitée autoriserait la sortie des neurotransmetteurs ;
  • une seconde, à condition que la vésicule ne se soit pas refermée, où le pore s’ouvrirait largement pour délivrer les molécules plus grosses, à savoir les macromolécules polypeptidiques, qui, une fois libérées, seront transformées en hormones peptidiques.

Ces travaux marquent un tournant fort dans la connaissance du processus d’exocytose, notamment en démontrant un mécanisme dissocié entre neurotransmetteurs et hormones peptidiques. Ils laissent aussi entrevoir de nouvelles pistes thérapeutiques qui pourraient reposer sur la régulation de l’ouverture des vésicules pour ajuster le flux de molécules et notamment des neurotransmetteurs.

 

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La vésicule s’accole à la membrane de la cellule (I), le pore initial se forme par fusion des membranes vésiculaire et cellulaire et permet de libérer les molécules, symbolisées par les points rouges (II). Ces travaux montrent que le pore s’agrandit mais que l’ouverture reste limitée et n’atteint pas, du moins dans un premier temps, le diamètre de la vésicule (III).

© C. Amatore, UMR 8640 "PASTEUR"

 

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La courbe du courant mesuré en fonction du temps - i(t) - montre que le pore (Rpore : rayon du pore) s’ouvre rapidement puis se bloque à une taille donnée (plateau de la courbe), ce qui met en évidence une ouverture restreinte du pore sur une longue durée.

© C. Amatore, UMR 8640 "PASTEUR"

 

 

 

Référence

A. Oleinick, I. Svir, C. Amatore

"Full fusion” is not ineluctable during vesicular exocytosis of neurotransmitters by endocrine cells

Proc. Royal Soc. 11 janvier 2017
DOI:10.1098/rspa.2016.0684

Contact

Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC