Les isolants de Mott hors équilibre : un pas vers la Mottronique

Résultats scientifiques Matériaux

Des chercheurs de l’Institut des matériaux Jean Rouxel (IMN, CNRS/Université de Nantes), de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (CNRS/Insa Rennes/ENSC Rennes/Université de Rennes) et du Laboratoire de Physique des Solides (CNRS/Université Paris-Sud, Université Paris-Saclay) ont expliqué la manière dont des matériaux innovants, les isolants de Mott, deviennent conducteurs grâce à l’application d’une tension. Ces travaux, publiés dans Physical Review Letters, permettent d’envisager des mémoires et neurones artificiels pour l’électronique de demain.

Depuis plus de 50 ans, la microélectronique suit une évolution appelée loi de Moore qui prédit un doublement du nombre de transistors par unité de surface tous les 18 mois. Mais aujourd’hui, la miniaturisation atteinte fait prédire la fin du respect de cette loi. La microélectronique réfléchit donc au « more than Moore » qui consiste à développer de nouvelles fonctionnalités basées sur les propriétés physiques de nouveaux matériaux, comme les isolants de Mott encore peu connus. Des chercheurs de l’Institut des matériaux Jean Rouxel (IMN, CNRS/Université de Nantes), de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (CNRS/Insa Rennes/ENSC Rennes/Université de Rennes) et du Laboratoire de Physique des Solides (CNRS/Université Paris-Sud, Université Paris-Saclay) ont proposé un modèle pour expliquer le comportement de ces isolants.

Étudiés par les physiciens depuis plusieurs décennies pour leurs propriétés physiques exceptionnelles, les isolants de Mott peuvent devenir conducteurs sous forte pression ou par dopage chimique, deux paramètres difficilement conciliables avec les contraintes technologiques de la microélectronique. Cependant, l’application d’une tension peut les déstabiliser et les rendre conducteurs d’électricité. Des travaux précurseurs menés à l’IMN ont montré que cette déstabilisation peut être utilisée pour réaliser des composants pour la microélectronique de demain : mémoires pour le stockage de l’information ou neurones artificiels pour l’informatique bioinspirée.

Or le mécanisme à l’origine de la mise hors équilibre des isolants de Mott sous champ électrique restait l’objet de controverses. Les chercheurs ont aujourd’hui montré que c’est la création massive d’électrons chauds sous champ électrique qui provoque, à bas champ, des non-linéarités. Au-delà d’un certain seuil, un phénomène d’avalanche électronique, les électrons excitants leurs voisins les uns après les autres, déstabilise l’isolant de Mott. Cette nouvelle compréhension amènera un meilleur contrôle de cette propriété et des fonctionnalités associées. Une avancée majeure vers l’utilisation des isolants de Mott dans un domaine émergent de la microélectronique : la Mottronique.

 

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Transitions résistives mesurées sous champ électrique sur un monocristal de GaMo4S8. L’apparition de la transition est d’autant plus rapide que le champ appliqué est élevé.

©Laurent Cario

 

 

Référence

P. Diener, E. Janod, B. Corraze, M. Querré, C. Adda, M. Guilloux-Viry, S. Cordier, A. Camjayi, M. Rozenberg, M. P. Besland et L. Cario
How a dc Electric Field Drives Mott Insulators Out of Equilibrium
Physical Review Letters – Juillet 2018
DOI :  10.1103/PhysRevLett.121.016601

 

 

 

Contact

Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC