Atténuation des ondes sismiques : ça se passe sous le manteau !

Résultats scientifiques Instruments et analyse

Eloigné de la surface, chaud bouillant, sous pression…Difficile d’analyser ce qui se passe à la base du manteau terrestre. Mais pas impossible ! Grâce à des simulations numériques, des spécialistes des matériaux de l’Unité matériaux et transformations (CNRS/Université de Lille) ont pu prédire le comportement de la post-perovskite dans une des couches les plus profondes du manteau. Ce qui éclaire sur les anomalies des vitesses de propagation des ondes sismiques dans cette partie de la planète. Ces résultats, publiés dans la revue Scientific Reports, doivent maintenant être confirmés par les travaux des sismologues.

 

La couche D’’ située dans le manteau terrestre reste une des zones les plus énigmatiques de notre planète. De par sa situation à l’interface noyau-manteau, elle présente une discontinuité thermique, chimique et mécanique. Elle est le siège d’importants gradients thermiques dus aux écoulements respectifs dans le noyau liquide et dans le manteau. Epaisse de quelques centaines de kilomètres, les scientifiques ont pu y mesurer d’importantes anomalies des vitesses de propagation des ondes sismiques sans parvenir à les expliquer de manière indubitable. Et pour cause !

Aux températures et pressions (2500K et 120GPa) qui règnent au sein de cette couche D’’ , le silicate de magnésium qui la constitue adopte une structure dense appelée post-perovskite. Cette phase n’étant stable et observable que dans ces conditions extrêmes, l’étude expérimentale de ses propriétés est impossible à réaliser en laboratoire. Pour contourner cette difficulté et tenter de comprendre l’origine des anomalies observées dans la propagation des ondes sismiques, les chercheurs de l’Unité matériaux et transformations de Lille ont eu recours à la modélisation numérique. Le manteau étant constitué de roches solides, leur capacité à se déformer ne peut résulter que de la propagation de défauts cristallins dans les roches. Les chercheurs montrent que dans la post-perovskite, la mobilité de ces défauts est tout-à-fait surprenante. Du fait de la structure cristalline très particulière de la post-perovskite qui alterne couches de silicium et de magnésium, les résultats des calculs issus de la simulation numérique montrent que les dislocations peuvent glisser très facilement (sans friction) entre ces couches, malgré les pressions très élevées, facilitant ainsi la déformation de la post-perovskite et donc son écoulement. Les dislocations étant très mobiles, elles peuvent être mises en mouvement très facilement, même sous la seule influence d’une onde sismique. La forte atténuation des ondes sismiques qui doit résulter de cette interaction constitue une signature potentielle des processus à l’œuvre dans cette région inaccessible du manteau.

Ces prédictions théoriques doivent maintenant être confirmées par les sismologues.

 

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Référence

Alexandra M. Goryaeva, Philippe Carrez & Patrick Cordier

Low viscosity and high attenuation in MgSiO3 post-perovskite inferred from atomic-scale calculations

Scientific Reports 6 octobre 2016
doi:10.1038/srep34771

 

 

Contact

Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC