L’agar-agar en ébullition

Résultats scientifiques Matériaux

Vous avez dit agar-agar ? Ce gélifiant extrait d’une algue rouge et visqueuse exploitée dans le domaine pharmaceutique est aussi devenu l’alternative végétale à la gélatine alimentaire. Sous forme de poudre en solution dans l’eau, portée à ébullition quelques minutes, ce polysaccharide se gélifie après refroidissement. De quoi satisfaire un cuisinier. Mais le scientifique, lui, a besoin de comprendre le scénario de gélification, de connaître les propriétés du gel en fonction du temps de cuisson, pour en optimiser son utilisation comme milieux de culture pour les micro-organismes. Dans une étude parue dans la revue Food Hydrocolloids, des chercheurs du Centre de recherche Paul Pascal (CNRS), en collaboration avec BioMérieux, ont montré que le temps de cuisson joue un rôle important : plus il est long, plus le gel est mou, ductile, et  moins il est résistant mécaniquement.

Utilisé en microbiologie comme support pour la culture cellulaire et en biochimie pour l’électrophorèse, les gels d’agar sont obtenus via une solution aqueuse mélangée à la poudre d’agar, portée à ébullition quelques minutes, puis refroidie. Cette recette est communément employée en cuisine comme dans l’industrie. Mais que se passe-t-il au-delà des traditionnelles quelques minutes de chauffage et quel impact cela peut-il avoir sur les propriétés gélifiantes de l’agar et la texture des gels associées ?

Pour cette étude, des chercheurs du Centre de recherche Paul Pascal ont maintenu à 80°C une solution d’agar-agar pendant plusieurs jours et mesuré l’évolution de sa viscosité et son pH (acidité) au cours du temps. La décroissance de ces deux paramètres indique que dès la première heure de chauffe, les chaînes d’agar se brisent conduisant à de plus petites molécules.

Parallèlement, ils ont prélevé des échantillons de la solution à intervalles réguliers qui, une fois refroidis, forment des gels, dont ils ont ensuite observé la structure par microscopie électronique et caractérisé les propriétés mécaniques. Pour des faibles temps de cuisson, les gels présentent une microstructure fibreuse et très ramifiée. Ils sont élastiques et montrent une rupture fragile mettant en jeu des fractures nettes. L’augmentation du temps de cuisson de la solution d’agar-agar  conduit à des gels dont la microstructure, plus grossière, est formée de polysaccharides agrégés (voir image ci-dessous). Ces gels sont d’autant plus mous et ductiles que le temps de cuisson est long et ils se brisent pour des déformations d’autant plus faibles. Au-delà de deux jours de cuisson, les propriétés mécaniques des gels sont dramatiquement affectées et ils présentent alors un seuil de rupture très faible.

Ces résultats offrent un éclairage nouveau sur les gels à base d’agar produits dans l’industrie où la manipulation de grandes quantités de solution d’agar conduit à des périodes d’exposition variées à haute température, et donc à des gels de propriétés très variables pour un même lot. Ces résultats suggèrent aussi qu’il est tout à fait possible de modifier les propriétés mécaniques des gels d’agar-agar  en adaptant le protocole de préparation/cuisson aux différentes applications envisagées.

 

Image retirée.
(gauche) image de microscopie électronique de la structure de gels d’agar préparés après des temps de cuisson croissants (1h, 3 jours et 5 jours). Un temps de cuisson plus long conduit à une microstructure de taille plus importante. (droite) Courbes force-déformation obtenues par indentation de gels d’agar préparés après des temps de cuisson allant de 1h à 5 jours. Au-delà de 2 jours de cuisson de la solution, les gels d’agar présentent un module élastique et un seuil de rupture d’autant plus faible que le temps de cuisson est élevé.

© Thibaut Divoux

 

 

Référence

Bosi Mao, Ahmed Bentaleb, Frédéric Louerat, Thibaut Divoux & Patrick Snabre

Heat-induced aging of agar solutions: impact on the structural and mechanical properties of agar gels

Food Hydrocolloids 14 octobre 2016
doi.org/10.1016/j.foodhyd.2016.10.020

 

 

Contact

Patrick Snabre
Chercheur, Centre de recherche Paul Pascal (CNRS/Université de Bordeaux)
Thibaut Divoux
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC