Art et science : Platonium ré-enchante les Idées lumineuses

Entretiens Catalyse

Platonium*, une œuvre art-science, pensée notamment par l'artiste Eric Michel et la chercheuse Chantal Guillard, sera présentée à la Fête des lumières de Lyon les 8, 9, 10 décembre 2016. La structure principale de cette allégorie de la Caverne de Platon** est constituée de textiles lumineux à bases de fibres optiques ayant des propriétés dépolluantes issues de collaboration entre la société Brochier Technologies et l'Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement de Lyon.

En déambulant dans Platonium, le public a-t-il conscience des projets de recherche qui se cachent derrière?


Eric Michel : Non et c'est cela l'objectif : qu'au premier regard, le public s'affranchisse naturellement de l'aspect scientifique de l'œuvre. Platonium vise une émotion, une sensation, indépendamment des informations didactiques. C'est seulement dans un second temps que le visiteur est invité à découvrir les détails de la conception, de la réalisation, du lien avec la science, sur le site web dédié

 

Les bandes bleues de l'œuvre principale sont constituées de textiles intelligents, réalisés par la société Brochier Technologies et étudiées par votre laboratoire. De quoi s'agit-il exactement ?


Chantal Guillard : Ce sont des fibres optiques microstructurées. Dans une fibre classique, une gaine protectrice empêche d'apercevoir la lumière qui transite. Là, la fibre est dite microstructurée car les textiles à fibres optiques sont traités mécaniquement en vue de modifier la gaine optique et permettre ainsi la sortie de la lumière sur toute la surface du textile. Une fois activé par la lumière d'une simple LED, ce matériau est capable de dégrader des polluants atmosphériques dits organiques, comme le formaldéhyde ou ceux rejetés par nos voitures. En effet, un photocatalyseur, du dioxyde de titane, peut être déposé en surface du matériau pour obtenir cette fonction. On peut aussi imaginer un usage à une échelle plus humaine, pour dégrader les odeurs corporelles via un vêtement par exemple. Nos équipes de recherche ont d'ailleurs récemment validé cette fonctionnalité du matériau. ( C. Rodriguez, A. Di Cara, F.N.R. Renaud, J. Freney 1, N. Horvais, R. Borel, E. Puzenat 2, C. Guillard 2Antibacterial effects of photocatalytic textiles for footwear applicationCatalysis Today, 2014, 230, pp.41-46)


Au-delà de la lumière, qu'apporte cette technologie à l'œuvre?


Eric Michel : Les tissus lumineux apportent un rythme. En effet, ils seront animés par des leds individuelles synchronisées avec une musique. Les spectateurs auront la sensation que le vortex prend vie.


En quoi est-ce important de mêler art et science ?


Chantal Guillard : On a toujours tendance à dire que la science est un domaine très loin de l'art. Or, en s'intéressant de plus près à certains projets de recherche, on découvre facilement qu'ils sont naturellement mêlés à des démarches artistiques. Comme ce textile qui certes est innovant mais demeure aussi inspirant d'un point de vue artistique.

 

Eric Michel : Le lien art-science, et nous pouvons aussi ajouter la philosophie et l'épistémologie, permet de ré-insuffler ce que la société semble avoir perdu : l'enchantement. Aujourd'hui, les disciplines sont souvent cloisonnées, nous sommes hyperspécialisés et cela crée des autocensures naturelles. La principale erreur est de penser que nous n'avons pas les codes pour comprendre quelque chose. En créant d'autres portes d'entrée, comme ici avec l'art, on ré-invite le public à se poser des questions sur le rôle de la science mais aussi sur le monde en général, telle l'allégorie que la caverne de Platon suggère.

 

*Ce projet est issu de la collaboration des artistes Eric Michel et Akari-Lisa Ishii avec les chercheurs de l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon, l'Institut lumière matière (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) et le Centre de recherche astrophysique de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/ENS de Lyon).

** Cette allégorie relate l’histoire d’hommes ne percevant le monde qu’à travers les ombres projetées sur la paroi d’une caverne. C’est la libération de l’un d’entre eux qui va bousculer les choses : il va sortir, observer directement son environnement, sans intermédiaire. A son retour dans la grotte, il raconte ce qu’il a découvert aux autres. Là, il y a confrontation d’un monde fait d’opinions (la caverne) à un monde intelligible et accessible à la seule raison (l'extérieur de la caverne).

 

 

 

 

Contact

Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC