Implication des protéines transmembranaires dans l’exocytose : de nouvelles avancées

Entretiens Vivant et santé

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Processus permettant la libération de nombreuses molécules produites par les cellules, telles que les hormones ou les neurotransmetteurs, l’exocytose est essentielle pour le fonctionnement et la régulation de notre organisme. Bien qu’étudié depuis le début des années 1970, ce processus n’a pas livré tous ses secrets. Pour cause, l’étape clé de l’exocytose – la formation d’un pore nanométrique et éphémère par fusion de deux membranes – n’est pas observable via les techniques de microscopie actuelles. Des chercheurs comme Jochen Lang redoublent d’ingéniosité pour tenter de décrypter, à l’échelle moléculaire, les étapes de ce processus fondamental. Par une approche alliant biologie cellulaire, physicochimie, imagerie et électrophysiologie des membranes, Jochen Lang et ses collègues sont parvenus à préciser le rôle des protéines transmembranaires, et surtout de leur partie intramembranaire, dans la fusion des membranes qui mène à la formation du pore et à la libération des molécules.

Pouvez-vous expliquer ce qu’est l’exocytose et pourquoi ce mécanisme est si important ?


Jochen Lang : Les molécules fabriquées dans nos cellules et destinées à être sécrétées vers l’extérieur sont stockées dans des vésicules. Quand les cellules reçoivent l’ordre de les délivrer, les vésicules s’ancrent par leur membrane à la membrane de la cellule (membrane plasmique), les deux membranes fusionnent en formant un passage – le pore de fusion – qui libère les molécules vers l’extérieur. C’est l’exocytose. Cette étape finale du transport cellulaire des molécules joue un rôle essentiel dans le fonctionnement et la régulation de nos cellules, de nos organes et de notre organisme. Elle permet, entre autres, la libération des hormones comme l’insuline qui assure l'équilibre en glucose dans le sang, ou des neurotransmetteurs qui assurent la communication neuronale. Et selon des travaux plus récents, des perturbations de l’exocytose pourraient par ailleurs être impliquées dans des pathologies, comme certaines maladies neuronales ou le diabète.

 


Que sait-on sur cette fusion des membranes qui conduit à la formation du pore et que cherche-t-on à comprendre actuellement ?


Jochen Lang : L’exocytose repose sur la fusion de membranes, double couches de lipides traversées de part en part par des protéines, pour cette raison appelées protéines transmembranaires. Grâce aux travaux menés par Rothman, Schekman et Südhof depuis les années 1980, et pour lesquels ils ont reçu le prix Nobel en 2013, on connait plus précisément la machinerie de base de l’exocytose ; c’est un complexe de trois protéines transmembranaires, les protéines SNARE1, qui favorise le rapprochement des membranes et leur fusion. Mais certaines questions restent entières : ces protéines servent-elles uniquement d’ancrage, grâce à leur extrémité qui émerge de la membrane ? Quelles sont les interactions entre ces protéines et les lipides lors de la fusion des membranes ? Les domaines transmembranaires, c’est-à-dire la partie des protéines transmembranaires qui est immergée dans la membrane, ont-ils un rôle actif lors de cette fusion ?

 


En collaboration avec plusieurs équipes du CBMN à Bordeaux et de chercheurs de l’Université d’Oxford, vous avez récemment étudié le rôle de ces domaines transmembranaires2. Quels résultats avez-vous obtenus ?


Jochen Lang : Nous avons exploré le rôle des domaines transmembranaires des protéines SNARE, à travers la protéine VAMP2. Concrètement, nous avons élaboré des modèles artificiels reproduisant des membranes simplifiées pour tester différents paramètres auxquels sont soumises les membranes cellulaires lors de l’exocytose, comme des variations de la concentration des protéines ou des lipides, ou encore de la pression. A partir des mesures physicochimiques obtenues (réalisées au CBMN), nous avons pu appréhender les changements de structure interne de la bicouche. De plus, en altérant le domaine transmembranaire de la protéine VAMP2 (par mutations) et en analysant la perturbation qui en découle sur la membrane et la dynamique de la protéine, nous avons pu définir la structure et la fonction de ces domaines transmembranaires.

Nous avons ainsi mis en évidence plusieurs résultats marquants : un rôle actif des domaines transmembranaires des protéines SNARE dans l’ouverture du pore, leur influence sur la viscosité de la membrane (en rendant la membrane plus fluide, ils favorisent l’interaction entre protéines et lipides, nécessaire à la fusion) et surtout leur exceptionnelle flexibilité, puisqu’ils sont capables, lors de l’exocytose, de changer de structure - d’hélices en feuillets -, et ce, réversiblement. Selon nos résultats, cette flexibilité est nécessaire pour s’adapter aux contraintes fortes, d’espace et de tension membranaire, qui apparaissent lors de la fusion. Par ailleurs, avec l’aide de nos collègues électrophysiologistes d’Oxford, nous avons montré que cette adaptation est essentielle pour garantir la rapidité de fusion des membranes, et ainsi de l’ouverture du pore. Une caractéristique primordiale pour assurer le contrôle fin de la libération des molécules et donc des mécanismes qu’elles régulent au sein de l’organisme. Forts de ces résultats, il nous reste maintenant à déterminer si ce remaniement structural intervient dans tous les processus de fusion de vésicules qui se produisent au cours du transport à l’intérieur de la cellule ou s’il est spécifique de la membrane plasmique.

 

 

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©Jochen Lang

 

Contact

Jochen Lang
Chercheur à l'Institut de chimie et biologie des membranes et des nanoobjets (CNRS/Université de Bordeaux)
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC