Structure de catalyseurs d'activation du méthane par RMN haut champ

Résultats scientifiques Catalyse

Transformer le méthane en méthanol dans des conditions douces, un enjeu fort pour les chercheurs et les industries pétrochimiques. Depuis peu, la réaction se fait à température ambiante via des zéolithes modifiées avec du zinc en guise de catalyseurs. Mais d’où provient l’efficacité catalytique de ces catalyseurs ? Les chercheurs de l’Unité de catalyse et de chimie du solide (CNRS/Université de Lille), en collaboration avec une équipe chinoise, apportent la réponse grâce à la spectroscopie par Résonance Magnétique Nucléaire (RMN). Leurs résultats publiés dans la revue Angew. Chem. Int. Ed. montrent qu’il est possible, grâce à cette technique, d’obtenir des informations fines sur la structure des sites actifs de ces catalyseurs.

Le méthane, principal composant du gaz naturel, est un des hydrocarbures les plus abondants sur Terre. Principalement utilisé comme combustible, il l’est encore peu comme matière première par l’industrie chimique car ses liaisons C-H sont fortes et donc difficiles à rompre pour pouvoir former ensuite d’autres composés. Par ailleurs, le procédé qui permet de le convertir en CO + H2 est coûteux car il nécessite des températures et des pressions élevées (jusqu’à 1000°C et 30 bars). Le développement de procédés capables de transformer le méthane dans des conditions plus douces constitue donc un enjeu économique ainsi qu’un défi scientifique.

Regardons tout d’abord comment procède la nature. Certaines enzymes, les méthane monooxygénases, sont capables d’oxyder le méthane en méthanol en utilisant le dioxygène comme oxydant à température ambiante avec une grande sélectivité. Leur site actif comprend deux atomes de cuivre ou de fer. Au laboratoire, l’une des voies les plus efficaces pour la même réaction nécessite de l’acide sulfurique comme oxydant et des catalyseurs homogènes qui sont des complexes de métaux de transition. Cependant, cette synthèse présente plusieurs limitations : difficulté à séparer les produits de réaction des catalyseurs, utilisation d’acide sulfurique hautement corrosif et coût élevé des catalyseurs à base de platine.

D’autres équipes ont montré récemment que ces limitations peuvent être surmontées par l’utilisation de catalyseurs à base de zéolithes modifiées avec des métaux comme le cuivre ou le zinc qui forment les sites actifs. Les zéolithes modifiées avec du cuivre permettent de transformer le méthane en méthanol à des températures de 200°C, tandis que la réaction peut être réalisée à température ambiante pour les zéolithes modifiées avec du zinc. Les zéolithes modifiées avec du zinc contiennent deux types de sites actifs : (i) des sites à deux atomes de zinc qui conduisent à une rupture de la liaison C-H menant à la formation du radical méthyle mais aussi (ii) des ions Zn2+ isolés, responsables de la rupture de la liaison C-H menant cette fois à des espèces methylzinc.

Comment fonctionnent ces sites actifs et d’où provient leur efficacité catalytique à température ambiante ? C’est à cette question qu’ont tenté de répondre les chercheurs de l’Unité de catalyse et de chimie du solide (CNRS/Université de Lille), en collaboration avec une équipe chinoise, en observant les ions Zn2+ au sein des zéolithes par spectroscopie de Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) de l’isotope 67Zn. Cette étude est difficile car  les signaux émis par cet atome sont intrinsèquement peu intenses, l’abondance naturelle de cet isotope étant faible comme sa concentration dans les zéolites. Pour pallier le manque de sensibilité résultant de ces différents facteurs, plusieurs approches ont été combinées : (i) l’enrichissement isotopique en zinc-67, (ii) l’emploi d’expériences RMN avancées et (iii) l’utilisation de très haut champ magnétique.

Leurs résultats montrent que les ions Zn2+ sont proches des protons des groupements hydroxyles (OH) qui relient les atomes de Si et d’Al et sont responsables de l’acidité des zéolithes. Cette proximité spatiale permet une synergie entre les protons acides et les ions Zn2+, qui explique la plus grande acidité et donc la plus grande réactivité pour l’activation du méthane des zéolithes modifiées avec du zinc par rapport aux zéolithes non modifiées.

Cette étude montre que la spectroscopie RMN des solides à haut champ magnétique permet d’obtenir des informations uniques sur la structure des sites actifs des catalyseurs. Ces informations structurales pourraient permettre d’améliorer de façon raisonnée l’efficacité de ces catalyseurs pour la transformation du méthane.

 

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Référence

G. Qi, Q. Wang, J. Xu, J. Trébosc, O. Lafon, C. Wang, J.-P. Amoureux & F. Deng,

Synergic Effect of Active Sites in Zinc-Modified ZSM-5 Zeolites as Revealed by High-Field Solid-State NMR Spectroscopy

Angew. Chem. Int. Ed. 17 novembre 2016
doi:10.1002/anie.201608322

 

Contact

Olivier Lafon
Professeur à l'Unité de catalyse et chimie du solide (UCCS)
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC