Maladie d’Alzheimer : le précurseur des fibres amyloïdes dans le viseur

Résultats scientifiques Vivant et santé

Marqueurs spécifiques de la maladie d’Alzheimer, les plaques amyloïdes, dues à l’agrégation des fibres du même nom, sont associées à la mort des neurones. Mais les études ont montré que leur toxicité viendrait non pas des fibres amyloïdes mais de leurs formes intermédiaires, des oligomères. Des chercheurs de l’Institut de chimie et biologie des membranes et des nano-objets (CNRS/Université de Bordeaux) et ce l’Institut des sciences moléculaires de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux) révèlent la structure de ces « agents » tout aussi éphémères que toxiques. Un grand pas dans la connaissance de la maladie, qui ouvre de nouvelles perspectives... Ces travaux sont parus dans la revue Angew. Chem. Int.Ed.

Maladie neurodégénérative la plus fréquente, la maladie d’Alzheimer se manifeste par la mort progressive des neurones et l’accumulation anormale de fibres dans des régions du cerveau où elles forment les plaques amyloïdes, marqueurs typiques de la pathologie. Ces fibres sont produites par l’auto-assemblage d’une protéine de base, le peptide amyloïde. Les nombreuses études menées jusqu’à présent montrent que ni cette brique de base, ni les fibres matures formées par l’assemblage de ces briques ne sont responsables de la mort des neurones. C’est pourquoi les regards se tournent vers les états intermédiaires de ces assemblages, des oligomères. Par définition fugaces, puisqu’ils correspondent à des fibres en cours de construction, ces oligomères sont extrêmement difficiles à isoler et à caractériser.

C’est bien là le double défi que viennent de relever des chercheurs de deux laboratoires bordelais, de l’Institut des sciences moléculaires et de l’Institut de chimie et biologie des membranes et des nano-objets. Grâce à une méthodologie originale s’appuyant sur une technique de spectroscopie (champ proche optique), nommée TERS pour Tip-Enhanced Raman Spectroscopy, la structure et la morphologie de ces oligomères a pu être observée, pour la première fois, à l’échelle nanométrique. Une prouesse technologique qui a permis de montrer que les oligomères ont une structuration différente de celles des fibres amyloïdes : ils s’organisent selon une structure dite en feuillets beta antiparallèles, tandis que les fibres forment des feuillets beta parallèles. Un résultat du plus grand intérêt pour les recherches sur la maladie : il permet en effet d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques qui viseraient à bloquer le processus d’assemblage en cassant spécifiquement ces feuillets, mais aussi de nouvelles stratégies de diagnostic en utilisant ces oligomères comme marqueurs précoces de la maladie.

 

Image retirée.
Descriptif du dispositif : en éclairant avec un faisceau laser (en rouge) la pointe d’un microscope à force atomique (AFM) métallisée à l'or (en jaune), le signal obtenu est amplifié (résolution 10 fois supérieure). Nécessitant un alignement parfait de la pointe AFM, du laser et de l’échantillon, le dispositif permet de déterminer la structure d’objets à l’échelle de quelques dizaines de nanomètres. C’est ainsi que la structure des oligomères en feuillets beta antiparallèles a pu être révélée.

© S. Bonhommeau, S. Lecomte

 

 

 

Référence

Sébastien Bonhommeau, David Talaga, Julien Hunel, Christophe Cullin & Sophie Lecomte

Tip-Enhanced Raman Spectroscopy to distinguish toxic oligomers from Aβ 1-42 fibrils at the nanometer scale

Angew. Chem. Int. Ed.6 Février 2017 
 doi: 10.1002/anie.201610399

Contact

Sébastien Bonhommeau
Enseignant chercheur à l'Institut des sciences moléculaires (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux)
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC