Quand l’oxygène empêche de produire de l’énergie

Résultats scientifiques Catalyse Vivant et santé

La dégradation par l’oxygène des hydrogénases, enzymes qui produisent du dihydrogène, source d'énergie, prive les biotechnologies de catalyseurs performants. Comprendre les mécanismes qui conduisent à cette dégradation, c’est l’objectif  des chercheurs du Laboratoire de bioénergétique et ingénierie des protéines (CNRS/Aix Marseille Univ), de biochimistes toulousains (INSA), parisiens (CEA), et de chimistes théoriciens européens et américains. Ils sont parvenus à caractériser chacune des étapes de la réaction complexe qui mène à destruction de l’enzyme par l’oxygène. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Nature Chemistry.

Les hydrogénases sont ces enzymes présentes dans les microorganismes qui catalysent la production du dihydrogène H2 avec des performances rivalisant celles du platine. Elles pourraient remplacer le sihydrogène dans les piles à combustible ou d’autres dispositifs biotechnologiques. Le site actif de ces hydrogénases qui catalyse cette réaction peut contenir des ions métalliques comme le fer et le nickel, ou bien seulement le fer. Notons que les hydrogénases à base de fer sont les plus actives pour la production du dihydrogène. Leur site actif est enfoui à l'intérieur d'une protéine. Jusqu’alors, il était bien établi scientifiquement que l’oxygène endommage cette enzyme après s'être fixé au niveau du site actif à la place du dihydrogène, mais les études du mécanisme de la réaction conduisant à la dégradation de l'enzyme avaient donné lieu à des résultats expérimentaux partiels et contradictoires.

Pour trancher la question, les chercheurs  du Laboratoire de bioénergétique et ingénierie des protéines ont combiné expériences et calculs théoriques. A l'aide de méthodes électrochimiques,  ils ont mesuré avec précision les vitesses des différentes étapes de la réaction de production de dihydrogène et parallèlement, de dégradation de l’enzyme par l’oxygène. Ils ont ensuite pu relier ces vitesses à tous les paramètres expérimentaux : potentiel d'électrode, pH, échange isotopique, et mutations de certains acides aminés de la protéine... Ces résultats ont été interprétés à la lumière d’études théoriques menées en parallèle : calculs de dynamique moléculaire pour prédire les chemins privilégiés et les vitesses de diffusion de l’oxygène à l'intérieur de l'enzyme, et calculs de type "Fonctionnelle de densité" pour évaluer les produits de réactions et certaines constantes de vitesse de la réaction. Les résultats expérimentaux d’une grande précision ont pu démontrer le caractère prédictif de ces calculs.

Cette étude a permis de caractériser sans ambiguïté les réactions complexes qui se produisent dans ces systèmes biologiques de très grande taille, ceci sans avoir recours à la méthode habituelle contraignante puisqu’elle consistait à isoler des intermédiaires de la réaction et les caractériser, un par un, à posteriori, par des techniques spectroscopiques ou structurales. Une étape indispensable pour espérer optimiser le processus de production du dihydrogène.

 

 

Référence

Adam Kubas, Christophe Orain, David De Sancho, Laure Saujet, Matteo Sensi, Mr. Charles Gauquelin, Isabelle Meynial-Salles, Philippe Soucaille, Herve Bottin, Carole Baffert, Vincent Fourmond, Robert Best, Jochen Blumberger & Christophe Leger

Mechanism of O2 diffusion and reduction in FeFe hydrogenase

Nature Chemistry 22 août 2016

http://dx.doi.org/10.1038/nchem.2592

Contact

Christophe Léger
Chercheur au Laboratoire de bioénergétique et ingénierie des protéines
Vincent Fourmond
Chercheur au laboratoire Bioénergétique et ingénierie des protéines (CNRS/Aix-Marseille Université)
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC