Valorisation de la biomasse par métathèse des oléfines, un enjeu pour demain

Résultats scientifiques Catalyse Chimie verte

De nombreux procédés permettent de convertir des oléfines légères issues de la transformation des déchets verts en oléfines à plus haut poids moléculaires, précurseurs de lubrifiants, détergents et plastifiants. Les chercheurs de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (CNRS /ENSCR), en collaboration avec IFP Energies nouvelles et des scientifiques italiens de l’Université de Salerne, ont mis au point un nouveau procédé de métathèse encore plus sélectif et éco-efficient transformant les oléfines légères issues des déchets du bois grâce à l’emploi d’un catalyseur inédit à base de ruthénium. Ce travail a fait l’objet d’un dépôt d’un brevet CNRS/ENSCR/IFPEN et d’un article dans la revue ACS Catalysis.

Produire des intermédiaires de synthèse bio-sourcés en minimisant l’empreinte carbone à partir de déchets verts constitue une alternative prometteuse quant à la raréfaction des ressources fossiles. En effet, la métathèse(*) des hydrocarbures insaturés légers issues du procédé Fischer-Tropsch BTL (Biomass to liquid) peut conduire à des oléfines à haut poids moléculaires, intermédiaires intervenant dans la fabrication de plastifiants, détergents ou lubrifiants. Mais ce procédé tarde à se développer industriellement en raison des catalyseurs homogènes existants à base de ruthénium qui requièrent l’emploi d’additifs toxiques et coûteux utilisés pour piéger les hydrures métalliques qui se forment dans le milieu réactionnel. Ces derniers, provenant de la décomposition prématurée des catalyseurs de ruthénium, entrainent en effet des réactions secondaires conduisant à la formation de produits non souhaités, altérant ainsi le rendement en produits désirés (dénommés produits primaires de métathèse ou PMP), ce qui rend inexploitable le procédé.

 

Afin de pallier ce phénomène, l’équipe de l’Institut des sciences chimiques de Rennes a développé un catalyseur à base de ruthénium inédit associé à un ligand diaminocarbène original (voir figure). Avec une charge catalytique de seulement 0.005 mol% (soit 50 ppm) et sans solvant, les chercheurs sont parvenus à transformer efficacement des hydrocarbures insaturés légers en oléfines à haut poids moléculaire avec une sélectivité >99%, c’est-à-dire sans aucune réaction parasite, et sans recourir à l’emploi d’additifs. Cette technologie inédite a par exemple été utilisée avec succès pour transformer une fraction légère d’hydrocarbures C5-C8(***) en oléfines C9-C14 avec une distribution oléfinique optimale. Les oléfines en C11et C12 majoritairement produites (à hauteur de 29 et 26% respectivement) pourront ainsi être utilisées comme précurseurs de bio-plastifiants.

Ce nouvel outil métathèse constitue une avancée dans la production industrielle d’intermédiaires de synthèse bio-sourcés et devrait pouvoir être prochainement mise en œuvre dans la synthèse de molécules à très haute valeur ajoutée.

 

(*) En chimie organique, la métathèse est une réaction dans laquelle s’intervertissent des fragments entre molécules organiques.
(**) Le procédé Fischer-Tropsch est un procédé catalytique qui convertit le monoxyde de carbone et d'hydrogène en en hydrocarbure.
(***) Hydrocarbures provenant d’un procédé de Fischer-Tropsch (source IFPEN)

 

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Référence

Mathieu Rouen, Pierre Queval, Etienne Borré, Laura Falivene, Albert Poater, Mikael Berthod, François Hugues,Luigi Cavallo, Olivier Baslé, Hélène Olivier-Bourbigou & Marc Mauduit

Selective metathesis of a-olefins from bio-sourced Fischer-Tropsch Feeds

ACS Catalysis 14 octobre 2016
DOI: 10.1021/acscatal.6b01428

 

 

Contact

Marc Mauduit
Chercheur à l'Institut des sciences chimiques de Rennes (CNRS/ENSC Rennes/Université de Rennes 1/INSA Rennes)
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC