Un nouveau tamis moléculaire en oxyde de tungstène à coloration ajustable
Cliché de microscopie électronique d’une nanoplaquette du nouveau matériau nanoporeux. Les points clairs indiquent les atomes de tungstène. L’échelle est de 5 nm. La structure cristalline est superposée à l’image (à gauche) et agrandie (à droite). Elle es@ David Portehault

Un nouveau tamis moléculaire en oxyde de tungstène à coloration ajustable

Résultats scientifiques Matériaux Catalyse Energie

Certains matériaux poreux sont de véritables tamis moléculaires : des molécules se logent dans leurs cavités où elles peuvent réagir, engendrant des propriétés de catalyse et de capture moléculaire. Une importante équipe de chimistes a découvert un nouvel oxyde de tungstène, qui est un tamis moléculaire très particulier. Ce matériau, présenté dans la revue Nature Communications, change de couleur selon l'occupation des cavités. Sa capacité à réagir très rapidement pourrait servir au stockage et à la conversion d'énergie.

Les tamis moléculaires sont des matériaux constitués de pores qui leur permettent de retenir différentes espèces chimiques et de les échanger avec le milieu extérieur. Les espèces insérées peuvent aussi interagir avec les murs des pores. Les exemples les plus connus sont les zéolithes, des cristaux poreux d’aluminosilicates très utilisés pour catalyser des réactions chimiques ou pour capturer et fixer des molécules indésirables. Quand ces matériaux sont constitués de métaux particuliers (métaux de transition) capables d’accepter ou de donner des électrons, de nouvelles fonctionnalités émergent. Les métaux sont alors entourés de six atomes d’oxygène, définissant un octaèdre. On parle ainsi de « tamis moléculaires octaédriques ».

En cherchant à synthétiser des oxydes de tungstène inédits par chimie douce, c’est-à-dire dans l’eau et à température proche des conditions ambiantes, des scientifiques ont découvert un nouveau tamis moléculaire octaédrique, sous forme de plaquettes nanométriques. L’organisation des pores optimise leur accessibilité et leur surface d’échange avec l’environnement extérieur. Importants et très rapides, ces échanges impliquent des transferts d’électrons avec les espèces captées. Cet effet fait passer le matériau en moins d’une seconde d’un état incolore à un état opaque de couleur bleu roi. On parle de matériau électrochrome. Outre le fait qu’il puisse servir à instantanément opacifier/rendre transparentes des vitres, que ce soit pour des questions de discrétion ou pour gérer l’ensoleillement, la structure de ce matériau intrigue les chercheurs. Elle offre de nouvelles potentialités pour développer des batteries, ou encore dans la catalyse de réactions pour la conversion d’énergie.

Ces travaux ont mobilisé des scientifiques du Laboratoire chimie de la matière condensée de Paris (CNRS/Collège de France/Sorbonne Université), de l’Institut de recherche de chimie de Paris (CNRS/PSL/Chimie ParisTech), de l’Unité de catalyse et chimie du solide (CNRS/ENSC Lille/Centrale Lille/Université d’Artois/Université de Lille), de l’Institut des nanosciences de Paris (CNRS/Sorbonne Université), de l’Institut Parisien de chimie moléculaire (CNRS/Sorbonne Université), de l’Université complutense de Madrid et du centre de recherches d’Aubervilliers de SOLVAY.

Référence

Julie Besnardiere, Binghua Ma, Almudena Torres-Pardo, Gilles Wallez, Houria Kabbour, José M. González-Calbet, Hans Jürgen Von Bardeleben, Benoit Fleury, Valérie Buissette, Clément Sanchez, Thierry Le Mercier, Sophie Cassaignon, David Portehault
Structure and electrochromism of two-dimensional octahedral molecular sieve h’-WO3
Nature Communications -Janvier 2019
Doi: 10.1038/s41467-018-07774-x

Contact

David Portehault
Laboratoire chimie de la matière condensée de Paris
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Sophie Félix
Chargée de communication
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC