Ivoire : des stratégies d'approvisionnement régionales au Paléolithique

Résultats scientifiques Instruments et analyse

Pour créer des parures et de l’art figuratif, les Homo sapiens du Paléolithique supérieur développaient des stratégies différentes selon les régions pour s’approvisionner en ivoire. Publiées dans Angewandte Chemie International Edition, ces recherches sont menées par Ina Reiche, directrice de recherche CNRS à l’Institut de Recherche de Chimie Paris (IRCP – CNRS/Chimie Paristech/PSL Université/Ministère de la Culture), avec ses collègues allemands et américains, grâce au micro-faisceau de l’instrument AGLAE.

Parmi les premières sociétés d'Homo sapiens en Eurasie, l'ivoire de mammouth avait une grande importance sociale et socio-économique. Pendant le Paléolithique supérieur, il y a environ 40 000 à 30 000 ans (phase aurignacienne), l'ivoire de mammouth a été utilisé pour créer des centaines de parures ainsi que les premiers objets tridimensionnels d'art figuratif dans le monde. Mais d’où venait l’ivoire ? Ina Reiche, directrice de recherche CNRS à l’Institut de Recherche de Chimie Paris (IRCP – CNRS/Chimie Paristech/Ministère de la Culture), a montré la diversité les stratégies d'approvisionnement en ivoire de nos ancêtres, grâce au micro-faisceau d'ions de l’instrument AGLAE installé au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) au Louvre.

Avec ses collègues allemands et américains, la chercheuse a analysé des objets et fragments d'ivoire de mammouth, parmi les plus anciens jamais analysés, issus de cinq sites majeurs: Castanet en Dordogne, Verpillère en Bourgogne, Hohle Fels dans le Jura Suabe, Lommersum en Rhénanie-du Nord-Westphalie et Breitenbach-Schneidemühle en Saxe Anhalt. Les méthodes non-invasives d’AGLAE ont permmis d'analyser les éléments, du fluor à l'uranium, contenus dans les ivoires à l'échelle majeure, mineure et de traces.

En analysant le fluor, les chercheurs ont montré que les stratégies d'approvisionnement en ivoire étaient différentes selon les régions : certains groupes d’Homo sapiens se fournissaient localement, en chassant les mammouths ou en récupérant de l’ivoire plus ou moins bien conservé dans des dépôts anciens, d’autres parcouraient de longues distances ou obtenaient l’ivoire par le commerce. Castanet se révèle ainsi, par exemple, une forte place commerciale de l’époque dans sa région.

Les chercheurs ont en outre montré que l’étude des rapports différents des éléments traces tels que le strontium, le brome et le zinc permet de tracer la source animale, plutôt que le lieu d’enfouissement des objets en ivoire. Ces résultats permettent ainsi de comprendre l’approvisionnement en ivoire à l'échelle régionale et montrent que les modèles de comportement humain doivent être pensés à l’échelle régionale plutôt que continentale voire mondiale.

 

Image retirée.

 

Image retirée.
©Nicholas Conard

 

 

 

 

Référence

Ina Reiche, Claire Heckel, Katharina Müller, Olaf Jöris, Tim Matthies, Nicholas Conard, Harald Floss, Randall White
Combined non-invasive PIXE/PIGE analyses of mammoth ivory from Aurignacian archaeological sites
Angewandte Chemie International Edition – Mars 2018
DOI : 10.1002/ange.201712911

 

 

 

Contact

Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC