Le fer, une cible pour lutter contre les cellules souches cancéreuses

Résultats scientifiques Vivant et santé

Théorie développée depuis environ une dizaine d’années en cancérologie : des cellules cancéreuses dites souches seraient à l’origine des cellules formant les tumeurs, mais aussi de l’apparition des métastases. Dans le cadre d’une collaboration entre l’Institut Curie de Paris (CNRS/Inserm/PSL), l’Institut Necker-Enfants Malades et le Centre de recherche en cancérologie de Marseille (CNRS/Inserm/AMU), des chercheurs révèlent l’activité anti-cellules souches cancéreuses de dérivés de la salinomycine et leur mécanisme d’action spécifique sur la régulation du fer. Ces travaux, qui présagent le développement de médicaments plus efficaces pour lutter contre les métastases, sont parus dans la revue Nature Chemistry.

 

Un concept récent en cancérologie postule que les tumeurs ont une organisation cellulaire hiérarchique avec les cellules souches cancéreuses au sommet de cette hiérarchie. Ces cellules, dites également initiatrices de tumeurs, seraient les seuls moteurs de la prolifération tumorale. Du fait de leur résistance aux chimiothérapies classiques, ces cellules originelles seraient aussi responsables du développement des métastases. D’où une nouvelle quête pour les spécialistes en cancérologie : rechercher des molécules qui neutraliseraient spécifiquement ces cellules souches cancéreuses. Certaines ont d’ores et déjà été identifiées, comme la salinomycine, une molécule d’origine naturelle connue pour ses propriétés antibactériennes et antifongiques. Mais sa forte toxicité a conduit les scientifiques à se tourner vers des molécules de synthèse.

C’est ainsi que des équipes de l’Institut Curie de Paris, de l’Institut Necker-Enfants Malades et du Centre de recherche en cancérologie de Marseille ont cherché à synthétiser des dérivés de la salinomycine qui soient à la fois plus puissants contre les cellules souches ciblées et moins toxiques contre les cellules saines. Leurs travaux ont abouti à l’identification d’un dérivé, l’ironomycine, lequel, après avoir été testé sur des cellules souches cancéreuses mammaires, s’est révélé dix fois plus efficace que la salinomycine et le docetaxel, le médicament aujourd’hui le plus utilisé pour traiter le cancer du sein. Restait encore à élucider son mode d’action. Grâce à une méthode originale appelée « chimie clic » qui permet de visualiser toute molécule biologiquement active dans une cellule, les scientifiques ont pu suivre le dérivé de salinomycine dans les cellules souches cancéreuses jusqu’à son site d’action. Ils ont ainsi découvert que l’ironomycine s’accumule dans un compartiment particulier de la cellule, les lysosomes. Là, de par sa propriété à se lier au fer (chélation), l’ironomycine entraine une concentration du fer dans les lysosomes et, simultanément, un appauvrissement dans le reste de la cellule, provoquant la production d’espèces réactives oxydatives. Sensibles à ce stress oxydatif, les cellules souches cancéreuses meurent. Mais ce n’est pas tout : les chercheurs ont montré que si l’ironomycine s’avère si efficace contre les cellules souches, c’est parce qu’elles contiennent une quantité de fer beaucoup plus importante que les autres cellules (cancéreuses ou saines).

Derrière ces travaux, soutenus par la SATT(1) Ile-de-France INNOV, se dessinent des enjeux forts : en révélant un mécanisme propre aux cellules souches cancéreuses, ils permettent d’envisager le développement d’une nouvelle génération de médicaments, spécifiquement ciblés sur ces cellules, et ainsi de nouvelles stratégies thérapeutiques pour lutter contre les métastases dont elles seraient responsables.

(1) Société d'accélération du transfert de technologies.

 

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Référence

Trang Thi Mai, Ahmed Hamaï, Antje Hienzsch, Tatiana Cañeque, Sebastian Müller, Julien Wicinski, Olivier Cabaud, Christine Leroy, Amandine David, Verónica Acevedo, Akihide Ryo, Christophe Ginestier, Daniel Birnbaum, Emmanuelle Charafe-Jauffret, Patrice Codogno, Maryam Mehrpour & Raphaël Rodriguez.

Salinomycin kills cancer stem cells by sequestering iron in lysosomes.

Nature Chemistry 15 mai 2017

 

 

Contact

Raphaël Rodriguez
Maryam Mehrpour
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC