Les migrations cellulaires antiparallèles aujourd’hui modélisées
L’analyse récente de la migration cellulaire collective à partir de tumeurs a révélé l’existence de déplacements surprenants, à contre-sens de la migration moyenne. Des chercheurs du laboratoire de Physico-chimie Curie de Paris (CNRS/Institut Curie/UPMC) et du Francis Crick Institute de Londres ont pour la première fois reproduit in vitro ces observations en confinant des cellules dans des pistes adhésives de largeur variable. Les résultats, publiés dans Nature Physics, montrent une disparition de ces déplacements antiparallèles sous une largeur critique (ici de 50 μm). Il s’agit d’une étape importante dans la compréhension d’un phénomène jusque-là inexpliqué.
Les cellules tumorales, cancéreuses ou non, comme les cellules embryonnaires, migrent souvent collectivement, confinées dans des canaux qui contournent les obstacles structurels (vaisseaux, fibres musculaires ou nerveuses notamment) de leur environnement et selon une direction moyenne : de la tumeur vers le milieu extérieur. Or, des observations in vivo avaient révélé l’existence, sur les bords des canaux, de courants marginaux en sens inverse, du milieu extérieur vers la tumeur, sans que les scientifiques n’en comprennent les modalités ni la fonction.
C’est ainsi qu’une équipe franco-britannique a mis en place des expériences-modèles in vitro sur des cellules fusiformes. Les chercheurs du laboratoire de Physico-chimie Curie de Paris (CNRS/Institut Curie/UPMC) et du Francis Crick Institute de Londres ont confiné des monocouches de ces cellules dans des pistes adhésives de largeur variable (d’une taille cellulaire à plus d’1mm). Les résultats ont montré que sur les pistes larges, au-delà du seuil critique (ici de 50 μm), les cellules s’alignent entre elles, font spontanément un angle par rapport à la direction de la piste et que des courants se développent spontanément près des bords des pistes, dans des directions opposées. Et qu’en-deçà, les cellules s’alignent parfaitement avec la direction de la bande et les migrations à contre-sens disparaissent.
Ces mouvements collectifs auto-organisés naissent de l’activité des cellules. Pour autant, toutes les cellules actives ne sont pas « capables » de migration à double-sens. Reste désormais à connecter ce modèle thermodynamique avec les propriétés physiques et biologiques des cellules pour en percer les paramètres moléculaires.
Référence
G. Duclos, C. Blanch-Mercader, V. Yashunsky, G. Salbreux, J.-F. Joanny, J. Prost, P. Silberzan
Spontaneous shear flow in confined cellular nematics
Nature Physics – Avril 2018
DOI : 10.1038/s41567-018-0099-7