Quel futur pour les batteries ?

Résultats scientifiques Energie

Depuis quelques années, les batteries sont entrées dans leur âge d’or. Mais quelles sont les voies les plus prometteuses pour pousser plus loin leurs performances et leur compatibilité environnementale ? Au-delà de la simple autonomie,  quels éléments utiliser pour produire des batteries encore plus efficaces et peu polluantes ? Comment s’assurer qu’elles survivent longtemps ? Comment identifier rapidement une cellule défectueuse pour vite la remplacer ou la réparer ? C’est à ces questions qu'un professeur du Laboratoire chimie du solide et énergie (CNRS / Collège de France), en collaboration avec unechercheuse britannique de l’Université de Cambridge, apportent des éléments de réponse dans un article publié dans la revue Nature Materials.

Au-delà de l’autonomie, des questions environnementales
Les besoins croissant en batteries, notamment pour l’industrie automobile et le stockage stationnaire des énergies renouvelables, reposent sur la technologie Li-ion et mettent une forte pression sur les ressources en lithium. Même si une pénurie n’est pas encore à craindre pour les prochaines années, les chercheurs travaillent sur des technologies utilisant des matériaux contenant peu ou pas de lithium comme le Na-ion, des technologies plus facilement recyclables...

Les deux chercheurs mettent en avant l’exemple du LiFePO4 (un matériau d’électrode positive pour batteries Li-ion largement commercialisé et synthétisable à basse température ne contenant que du fer et du phosphate, deux composés très abondants sur Terre). Même s’il souffre d’une pénalité dans sa densité d’énergie (autonomie) il est de plus en plus employé dans les véhicules électriques. On est ici à l’opposé de composés comme le LiCoO2, très utilisé dans les smartphones, mais contenant du cobalt rare, cher et toxique.

Une autre stratégie, à moyen terme, seraient de quitter complètement la technologie Li-ion pour se tourner vers des technologies comme le Li/S, le Na-ion, le Mg-ion, le Ca-ion, le Li-air. 
Toutes ces technologies présentent des avantages que ce soit en termes d’abondance (le sodium est 1000 fois plus abondant que le lithium; le calcium, 3000 fois plus) ou en termes de recyclage comme avec les électrodes organiques ou les liants obtenus à partir de ressources naturelles comme la CMC (carboxyméthylcellulose). Les verrous de ces batteries du futur sont cependant nombreux. Par exemple, dans le cas des batteries Mg-ion il y a une difficulté à identifier des matériaux capables d’insérer les ions Mg2+ au-delà de 1.3V et de trouver des électrolytes compatibles. Mais les avancées sont rapides, par exemple, dans le cas des batteries Na-ion où CNRS et le CEA ont mis au point via le RS2E (Réseau sur le Stockage Electrochimique de l'Energie du CNRS) un prototype viable en cours de valorisation pré-industrielle.

 

Vers une médecine personnalisée des batteries ?

Un autre défi va être d’allonger la durée de vie des « packs » de batteries pour véhicules électriques (composés de batteries plus petites, ou cellules, pouvant connaître des défaillances mettant en danger la santé globale du pack) et surtout de donner une deuxième vie à ces « packs » de batteries. La « deuxième vie » correspond à la réutilisation d’une batterie sur un usage moins demandeur après une baisse significative de son autonomie (en général 20%). Un marché prometteur qui intéresse déjà les industriels du véhicule électrique. Mais là aussi des questions se posent : comment déterminer la valeur de la batterie « usagée » ? Son état de santé ?

Les chercheurs proposent de s’inspirer de la médecine individualisée avec l’utilisation de capteurs voire de fibres optiques directement placées dans des cellules 18650  pour mesurer la température, la pression… Ils appellent à lancer des efforts de recherche importants dans le domaine afin de développer ce genre de méthodes « passives », non destructives (sans influences sur la batterie) et utilisables dans l’industrie.
Cela permettrait d’améliorer la traçabilité de la batterie au cours de ses nombreuses vies (grâce à une base de données mondiale) et d’en augmenter ainsi la durée de vie par l’identification des défaillances en temps réel. En cas de défaillances, les chercheurs proposent même d’aller jusqu’à leur « guérison » par intervention extérieure ou par l’utilisation de matériaux auto-réparant (self-healing materials). 
Un nouveau paradigme s’ouvre-t-il ?

 

Image retirée.
Prototype de batterie sodium-ion au format 18650 mis au point par le CEA et le CNRS dans le cadre du Réseau sur le stockage électrochimique de l’énergie (RS2E), coordonné par JM Tarascon.
 

 

 

 

Référence

CP Grey & JM Tarascon

Sustainability and in situ monitoring for battery development

Nature Materials 20 décembre 2016
www.dx.doi.org/10.1038/NMAT4777

Contact

Jean-Marie Tarascon
Professeur au Collège de France (Laboratoire Chimie du solide et énergie) - directeur du RS2E
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC