Première synthèse totale d’un alcaloïde complexe

Résultats scientifiques Molécules

Synthétiser de manière très sélective une molécule naturelle complexe à partir de produits disponibles, non pas dans la nature, mais dans le commerce : tel est le challenge que viennent de relever des chercheurs de l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay et du laboratoire « Biomolécules : conception, isolement, synthèse » (CNRS/Université Paris-Sud/Université Paris-Saclay). Pour la première fois, ces chimistes ont réussi à assembler préférentiellement un alcaloïde complexe à partir d’un précurseur synthétisé au laboratoire. Ces travaux sont publiés dans Angewandte Chemie.

Mimer la sélectivité d’une nature économe et écologique, s’en inspirer pour alléger la synthèse de molécules très complexes utilisées en pharmacologie, comme les alcaloïdes, c’est l’un des défis majeurs de la chimie organique. Le challenge consiste à impulser, en laboratoire, la formation d’une liaison plutôt qu’une autre pour n’obtenir au final qu’une seule molécule cible de synthèse : celle de son choix. Jusqu’ici, cette chimie dite biomimétique nécessitait souvent l’extraction d’un précurseur à partir d’une ressource naturelle. Pas toujours simple quand la ressource naturelle est rare.

La synthèse totale en laboratoire est une piste majeure de recherche pour contourner le problème. À partir de « simples » produits du commerce et en seulement 12 étapes distinctes, des chimistes de l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay et du laboratoire « Biomolécules : conception, isolement, synthèse » (CNRS/Université Paris-Sud/Université Paris-Saclay) ont réussi ce pari. Ils se sont affranchis de l’étape d’extraction en synthétisant un alcaloïde rare, la geissoschizine.

Cet alcaloïde est un précurseur de molécules aux squelettes variés. Ainsi, les chercheurs ont assemblé de manière exclusive, par une réaction de cyclisation biomimétique inédite, l’un de ses dérivés : la 17-nor-excelsinidine.

La geissoschizine est également le précurseur d’une substance isolée d’un arbre de Malaisie qui permet de synthétiser une substance naturelle parmi les plus complexes qui soient : la bipléiophylline. Ces résultats constituent donc un pas important vers la réalisation de la synthèse complète, rapide et peu coûteuse de la bipléiophylline à partir de produits disponibles dans le commerce. Parmi les voies possibles, les équipes tentent le pari d’une cyclisation biomimétique encore plus précoce.

 

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©Guillaume Vincent

 

 

 

Références

Maxime Jarret, Aurélien Tap, Cyrille Kouklovsky, Erwan Poupon, Laurent Evanno et Guillaume Vincent
Bioinspired Oxidative Cyclization of the Geissoschizine Skeleton for the Total Synthesis of (-)-17-nor-Excelsinidine
Angewandte Chemie International Edition – Avril 2018
DOI: 10.1002/anie.201802610
Travaux financés par l’ANR.

 

Chimie de synthèse et chimie des substances naturelles

 

Contact

Guillaume Vincent
Chercheur à l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay (CNRS/Université Paris-Saclay)
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC