Quand le climat modifie la répartition spatiale des ravageurs du maïs

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

En Afrique de l’Est, les chenilles de deux papillons de nuit, Chilo partellus et Busseola fusca,menacent la production de maïs, principale culture vivrière de la région. Des chercheurs du Laboratoire Evolution, Génomes, Comportement et Ecologie (EGCE, CNRS/Université Paris Sud/IRD) associés à l’International Centre of Insect Physiology and Ecology (ICIPE) de Nairobi, au Kenya, ont déjà montré que B. fusca prédominait en altitude tandis que C. partellus proliférait plutôt dans les zones cultivées les moins élevées. Une nouvelle étude publiée par cette équipe dans Agriculture, Ecosystems and Environment révèle que cette répartition est liée à une variation à la fois de la température ainsi que de la teneur en silice des plantes avec l’altitude. Les scientifiques estiment par ailleurs que l’augmentation des températures associée au réchauffement climatique devrait permettre d’améliorer l’assimilation de la silice par le maïs dans les zones les plus élevées et faire ainsi déplacer B. fusca, au profit de C. partellus.

D’ici quelques années, le réchauffement climatique devrait modifier profondément les interactions que les insectes entretiennent avec certaines plantes cultivées. C’est ce que redoutent les scientifiques à propos de Busseola fusca et Chilo partellus, deux espèces de lépidoptères présentes en Afrique de l’Est et dont les larves détruisent les plants de maïs en creusant des galeries dans leurs tiges. Comme toutes les graminées, le maïs a toutefois la particularité d’assimiler la silice présente naturellement dans le sol. En s’accumulant dans sa tige, cet élément chimique très dur lui fournit ainsi une protection mécanique contre ces insectes ravageurs.

Une équipe de chercheurs franco-kényane, qui étudie l’impact de ces deux espèces sur les cultures de maïs d’Afrique de l’Est, montre pour la première fois que les changements climatiques à venir risquent d’influencer l’assimilation de la silice par le maïs. En mettant à profit les gradients altitudinaux marqués des montagnes du Kenya, les chercheurs ont pu mesurer la concentration de cet élément chimique dans le sol et les plants de maïs de trois zones cultivées comprises entre 500 et 2000 mètres d’altitude. « Nos analyse révèlent que la richesse en silice du maïs est moins importante en altitude car les températures plus basses qui y règnent réduisent l’absorption de cet élément chimique par les racines puis son assimilation par la plante », détaille Paul-André Calatayud, chercheur IRD au Laboratoire Evolution, Génomes, Comportement et Ecologie et coauteur de l’article.


Lors d’une précédente étude, le scientifique et son équipe avaient constaté que les chenilles de B. fuscaprédominaient en altitude, là où les plants de maïs sont les moins riches en silice, tandis que les larves de C. partellus étaient surtout présentes en plaine où la teneur de la céréale en silice est la plus élevée. « Des tests en laboratoire ont confirmé que les chenilles de B. fusca voyaient leur développement freiné sur des plants de maïs présentant une forte teneur en silice, alors que celles de C. partellus s’en accommodaient parfaitement », souligne Paul-André Calatayud. Ces résultats qui montrent que les choix alimentaires des deux insectes sont directement influencés par la température devraient contribuer à mieux prévoir l’évolution de leur répartition respective face au réchauffement climatique. Ces travaux aideront également à ajuster d’éventuelles stratégies de contrôle biologique, comme l’utilisation de guêpes parasitoïdes ciblant chacun de ces ravageurs, afin d’assurer la sécurité alimentaire des paysans d’Afrique de l’Est au cours des prochaines décennies.

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Busseola fusca 
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larve

 

Référence 

Can climate-driven change influence silicon assimilation by cereals and hence the distribution of lepidopteran stem borers in East Africa? par P.-A. Calatayud, E. Njuguna, S. Mwalusepo, M. Gathara, G. Okuku, A. Kibe, B. Musyoka, D. Williamson, G. Ong’amo, G. Juma, T. Johansson, S. Subramanian, E. Gatebe, B. Le Ru, publié dans Agriculture, Ecosystems and Environment le 15 mai 2016.
DOI: 10.1016/j.agee.2016.03.040

Contact chercheur

Paul André Calatayud
Evolution, Génomes, Comportement et Ecologie (EGCE – CNRS/Univ. Paris Sud/IRD)
03 20 43 69 72 | paul-andre.calatayud@egce.cnrs-gif.fr

Contact communication

Sylvie Salamitou
Evolution, Génomes, Comportement et Ecologie (EGCE – CNRS/Univ. Paris Sud/IRD)
sylvie.salamitou@egce.cnrs-gif.fr