Les événements climatiques extrêmes renforcent la sélection naturelle

Résultats scientifiques

Au travers de l’augmentation des températures ou des évènements climatiques extrêmes, le changement climatique altère invariablement de nombreux habitats. Dans une étude publiée dans Philosophical Transaction of the Royal Society : B, des chercheurs du CNRS ont montré en collaboration avec l’Université de Sherbrooke, que la sélection naturelle est renforcée par le nombre de journées extrêmement chaudes subies par les oiseaux. Indépendamment des températures moyennes mensuelles, la force de la sélection naturelle est multipliée par deux lorsque 20% des nichées subissent une journée extrêmement chaude. Moteur de l’évolution darwinienne, la sélection naturelle se retrouve donc altérée par le changement climatique qui devient un acteur à part entière de l’évolution des espèces.

Le changement climatique affecte aujourd’hui tous les écosystèmes de la planète, menaçant de nombreuses espèces, de par les contraintes environnementales qu’il induit. Par exemple, l’équilibre fragile qui existe entre le débourrement des arbres au printemps et la reproduction de nombreuses espèces animales est aujourd’hui altéré par le réchauffement printanier. Comprendre quel est l’impact de ce printemps qui devient de plus en plus chaud est devenu un enjeu majeur de l’écologie scientifique. Des chercheurs du CNRS et de l’Université de Sherbrooke ont étudié l’impact du changement climatique sur une population de mésanges bleues (Cyanistes caeruleus) étudiée depuis plus de 25 ans dans une forêt de chênes au nord de Montpellier. Comme beaucoup d’oiseaux, la mésange doit résoudre l’équation printanière afin d’assurer sa reproduction chaque année, c’est à dire fournir le maximum de nourriture à ses oisillons dans un laps de temps imparti. Cette nourriture se compose essentiellement de chenilles qui se nourrissent elles-mêmes des jeunes feuilles de chênes.

Dans un premier temps, cette étude à long terme montre que les nichées qui subissent une journée extrêmement chaude (écart journalier aux normales saisonnières > 5°C) durant la saison de reproduction voient les chances de survie des oisillons réduites. Par ailleurs, cet effet s’accompagne d’un renforcement de la sélection naturelle agissant sur la population. Considéré trop souvent comme un résultat attendu, l’impact du réchauffement climatique sur la sélection naturelle n’a été cependant que très rarement montré. En effet, s’il est tentant de résumer la sélection naturelle par une pression environnementale, ce raccourci théorique reste erroné. Théorisé par Charles Darwin en 1859, la sélection naturelle suppose que certains phénotypes soient « sélectionnés » dans une population. Si le changement climatique affecte tous les individus d’une population avec la même intensité, par exemple lors de tempêtes empêchant la reproduction de tous les individus dans une population, alors aucun n’est sélectionné. De plus, si le changement climatique affecte une partie des individus, mais que ceux-ci n’ont aucun phénotype particulier, alors ce n’est toujours pas de la sélection naturelle.

A l’inverse, les résultats dans cette étude sur les mésanges montrent que le réchauffement climatique tend à favoriser les oiseaux qui pondent le plus tôt au printemps. Précisément, la force de la sélection naturelle qui agit sur la date de ponte des mésanges est multipliée par deux lorsque 20% des nichées subissent une journée extrêmement chaude. Puisque la date de ponte a une base génétique (c’est-à-dire est héritable), on s’attend donc a une évolution darwinienne de la date de ponte dans le futur sous l’action de la sélection naturelle induite par le changement climatique. Le changement climatique contraint les espèces à un « printemps » toujours plus précoce, les forçant à s’adapter ou à disparaitre. Cependant, l’évolution est un processus lent qui nécessite de nombreuses générations, limitant nécessairement l’adaptation au changement climatique qui est un phénomène rapide.

Référence
Multiple extreme climatic events strengthen selection for earlier breeding in a wild passerine
 par Marrot P, Garant D, Charmantier A. publié le 8 mai 2017 dans Philosophical Transactions of the Royal Society B.

Contacts chercheurs

Pascal Marrot
Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS/Univ Montpellier/Univ Paul Valéry Montpellier/EPHE/IRD)
pascal.marrot@yahoo.fr


Anne Charmantier
Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS/Univ Montpellier/Univ Paul Valéry Montpellier/EPHE/IRD)
Anne.CHARMANTIER@cefe.cnrs.fr

Contact communication

Nathalie Vergne
Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS/Univ Montpellier/Univ Paul Valéry Montpellier/EPHE/IRD)
comCEFE@cefe.cnrs.fr