L’effort de pêche dans le lagon de Moorea cartographié

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Dans les pêcheries artisanales, l'échec des stratégies de gestion de la ressource à atteindre des objectifs de durabilité -sociale, environnementale et économique-  est souvent lié au manque d'informations fiables sur la distribution spatiale de l'effort de pêche et la faible capacité ou le manque d'opportunité des acteurs concernés, en l’occurrence les pêcheurs, à influencer le processus décisionnel. Une nouvelle approche développée par des chercheurs du Centre de recherches insulaires et observatoire de l'environnement (CRIOBE – CNRS/EPHE/UPVD) et publiée dans PLoS ONE, propose ainsi de répondre simultanément à ces problèmes en intégrant des approches « participatives » aux approches « socio-économiques » au sein d’un cadre de décision adaptable suivant le contexte local (Figure 1).

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[Figure 1] Cadre proposé pour sélectionner la meilleure approche de cartographie d'effort de pêche cartographique en fonction de trois facteurs critiques à prendre en compte, à savoir la complexité du contexte socio-écologique, la disponibilité de ressources humaines et financières et le degré de coopération possible avec les pêcheurs locaux.

Cette approche a été appliquée à la pêche récifale de l’île de Moorea, en Polynésie française, connue pour la complexité de son contexte socio-écologique. « La difficulté dans le cas de Moorea est que tout le monde est un pêcheur potentiel, que de nombreuses espèces sont ciblées, qu’une multitude de techniques sont utilisées et qu’une importante partie des captures est autoconsommée et donc difficile à suivre (Figure 2). Il est donc extrêmement difficile d’appliquer les méthodes scientifiques classiques telles que celles utilisées en Europe, où la pêche y est très organisée et moins diffuse » explique Lauric Thiault, doctorant au CRIOBE (CNRS-EPHE-UPVD).

Pour cela, les auteurs de cette étude ont tout d’abord réalisé des entretiens auprès des pêcheurs de Moorea afin de mesurer l’importance de critères liés à l’habitat, la profondeur, la pente ou encore la distance au rivage et à la passe dans la détermination de leur zone de pêche. « Le but de cette approche était d’obtenir des informations suffisamment précises et fiables pour être cartographiées, sans pour autant révéler les sites de pêche secrets des pêcheurs locaux » explique Lauric Thiault. Des données de télédétection ont alors été utilisées afin de représenter les critères préférentiels directement sur une carte.

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[Figure 2] La pêche à Moorea est caractérisée par la diversité des espèces ciblées et des techniques de pêche utilisées. L’effort de pêche exercé sur une zone du lagon dépend d’une part des préférences des pêcheurs pour certaines caractéristiques (profondeur, pente, substrat, distances à la côte et aux passes), et d’autre part de leur capacité de pêche. Ces deux facteurs varient fortement autour de l’île. Crédits photo : Lauric Thiault et Teva Beguet

Pour obtenir l’effort de pêche (Figure 3), les chercheurs ont alors combiné cette carte de zones préférentielles des pêcheurs avec une carte de capacité de pêche obtenue à partir de données socio-économiques. « Dans des contextes comme Moorea, la capacité de pêche dépend directement du nombre de pêcheurs, explique Lauric Thiault. Or, comme il n’est ici pas possible de connaître leur nombre exact, nous avons calculé un indice de dépendance des foyers aux ressources marines en se basant sur les données de recensement de la population de l’île. Ainsi, plus les foyers sont dépendants et nombreux dans une zone, plus leur capacité de pêche est importante. Au final, si une zone du lagon regroupe des critères appréciés par les pêcheurs, et que la capacité de pêche y est importante, l’effort de pêche y sera très fort. ».

Cette méthode a ainsi permis de surmonter la complexité de la pêche récifale de Moorea et de cartographier pour la première fois l’effort de pêche sur l’ensemble du récif de l’île. Cela apporte donc des informations essentielles pour le Plan de Gestion de l’Espace Maritime, actuellement en révision après 13 ans d’existence.

Cette approche de co-construction de carte d’effort de pêche est standardisée et flexible, ce qui permet d’établir une ligne de base robuste sur l'utilisation des ressources dans une zone donnée. Dans un contexte de gestion des activités de pêche, cette démarche et ces informations permettent d’établir un dialogue entre les parties prenantes afin d'orienter les politiques publiques et les mesures de gestion de manière plus précise et équilibrée.

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[Figure 3] Carte de l’effort de pêche exercé sur les récifs de Moorea. Les abords des passes sont régulièrement pêchés par des pêcheurs expérimentés, mais la part la plus importante de l’effort de pêche se concentre sur les récifs frangeant, plus facilement accessibles.

Référence
Thiault L, Collin A, Chlous F, Gelcich S, Claudet J (2017) Combining participatory and socioeconomic approaches to map fishing effort in small-scale fisheriesPLoS ONE
DOI : 12(5): e0176862.

Contacts chercheurs

Lauric Thiault
Centre de recherche insulaire et observatoire de l'environnement (CRIOBE - CNRS/EPHE/Univ Perpignan via Domitia)
lauric.thiault@gmail.com

Joachim Claudet
Centre de recherche insulaire et observatoire de l'environnement (CRIOBE - CNRS/EPHE/Univ Perpignan via Domitia)
joachim.claudet@gmail.com

Contact communication

Jeanine Almany
Centre de recherche insulaire et observatoire de l'environnement (CRIOBE - CNRS/EPHE/Univ Perpignan via Domitia)
jeanine.almany@univ-perp.fr