L’innovation, des cellules aux sociétés

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Une innovation est souvent un changement imprévisible, qualitatif à une structure ou un processus qui génère un gain en efficacité, production, ou aussi la création ou l’élargissement d’une niche. Des exemples spectaculaires en biologie incluent l’évolution de la multi-cellularité, des yeux et de la vision complexe, et de la photosynthèse. Mais l’innovation est aussi un phénomène fondamental dans l’évolution culturelle et dans les changements technologiques. Existe-t-il des principes généraux en biologie, et ceux-ci s'appliquent-ils à l'innovation dans la culture et la technologie ? C’est ce à quoi tentent de répondre des chercheurs du CNRS et d’instituts de recherche chiliens, américains et suisses.

L’innovation est la fracture d’un modèle adaptatif à travers l’émergence d’une nouveauté phénotypique, qui correspond parfois à une nouvelle fonction écologique. Les phénotypes en biologie incluent des traits anatomiques, physiologiques et comportementaux. Pour être une innovation, il doit y avoir un consensus à réussir certaines caractéristiques : quelque chose qui n’a jamais été vu auparavant, quelque chose qui permet d’augmenter l’efficacité, la production, ou une nouvelle fonction, quelque chose qui envahit une population, une communauté, ou un marché, et qui crée un espace pour une adaptation future – une nouveauté.

Il y a plusieurs challenges à étudier les innovations. Tout d’abord, les innovations sont presque invariablement basées sur des évaluations a posteriori, du fait d’un manque de méthodologie pour étudier des éventuelles innovations avant qu’elles n’aboutissent. Nous n’avons que peu d’idées de comment des niveaux intermédiaires qui amènent à une innovation sont communs et découvrables. Ensuite, dans le domaine biologique, certaines des innovations les plus étonnantes, appelées « innovations clés », se produisent sur des durées macro-évolutionnaires. Des approches invariables ont un degré de subjectivité, et certains objets sont plus similaires à des innovations que d’autres basés sur certains critères identiques mais pas tous.

Ces interrogations et bien d’autres sont le sujet d’une nouvelle édition spéciale de The Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Un des aperçus les plus importants qui émerge de cette édition spéciale est la nature contextuelle de l’innovation. « Nous nous referons à ceci dans l’article d’introduction sous le nom de "écosystème innovation" » affirme M.E. Hochberg, coordinateur de l’article. « L’écosystème innovation représente l’interaction et l’interdépendance de multiples niveaux de phénotypes. Par exemple, l’écosystème innovation des vols « ailés » chez les oiseaux inclut des chemins de développement novateurs, une expression et fonction biochimique, une musculature qui soutient la chair et le squelette, les plumes et les fonctions cognitives / nerveuses. Chacun de ces éléments est adapté comme faisant partie d’un réseau interactif pour soutenir différentes facettes des "vols ailés actifs" chez les oiseaux. » Les écosystèmes innovants se trouvent aussi dans la culture, comme la domestication des plantes et des animaux, la croissance des villes, et dans la technologie comme les panneaux solaires et les téléphones portables.

L’édition spéciale fait un premier pas vers la science de l’innovation. Elle souligne que les procédés de l’innovation en biologie, culture et technologie ont un petit nombre de caractéristiques importantes en commun. Par rapport à ce point, les disciplines ne sont pas aussi distinctes qu’elles peuvent en avoir l’air, mais elles constituent plutôt une continuité qui se superpose. L’objectif très ambitieux à l’avenir est de comprendre les éléments clefs de l’innovation à travers tous les systèmes, ouvrant la voie à une théorie générale.

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Un schéma simplifié des processus menant à l'innovation. Une innovation est le résultat des inventions et de leur recombinaison qui génère une nouveauté qui se propage et évolue. L'environnement influence l'émergence d'innovations qui, à leur tour, ont un impact sur l'environnement. La notion conventionnelle d'innovation biologique (en contraste avec les innovations culturelle et technologique) diminue le rôle des processus sensoriels et cognitifs dans la génération, le filtrage et la diffusion de l’innovation. © M.E. Hochberg

Référence
Hochberg M.E., Marquet P.A., Boyd R., Wagner A. 2017. Innovation: an emerging focus from cells to societies Phil. Trans. R. Soc. B. DOI: 10.1098/rstb.2016.0414

Contact chercheur

Michael Hochberg
Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM - CNRS / Université de Montpellier / IRD / EPHE)
michael.hochberg@umontpellier.fr