Mésanges des villes et mésanges des forêts : une fable génomique

Résultats scientifiques

L’urbanisation croissante met au défi les populations animales en leur imposant de nouvelles contraintes écologiques. À Montpellier, un groupe de chercheurs du Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive étudie l’adaptation des populations de mésanges charbonnières en milieu urbain. Ils ont publié une étude dans la revue Evolutionary Applications qui démontre l’impact de l’urbanisation sur les flux d’individus et leur diversité génétique, ainsi que la réponse polygénique des mésanges charbonnières à la sélection non-naturelle en milieu urbain.

L’urbanisation croissante impose des régimes de sélection nouveaux sur les espèces et représente l’une des grandes menaces sur la biodiversité. Pour la recherche, l’urbanisation permet donc l’étude des processus de sélection et d’adaptation rapide en environnement changeant. Récemment, les avancées de la génomique ont permis aux chercheurs d’avoir accès à des informations génomiques inégalées qui ont la capacité d’éclairer notre compréhension du fonctionnement des populations et notamment des mécanismes d’adaptation.

Une analyse génomique utilisant près de 50,000 marqueurs génétiques a permis de caractériser la diversité génétique de 140 mésanges charbonnières issues d’une population suivies depuis 6 ans le long d’un gradient d’urbanisation dans la ville de Montpellier. Les chercheurs ont d’abord examiné les variations de niveau de diversité et les différences génétiques le long du gradient d’urbanisation, afin de caractériser les flux de gènes et d’individus. Ils se sont ensuite intéressés aux marqueurs génomiques associés aux degrés d’urbanisation rencontrés par ces mésanges, marqueurs qui sous-tendent potentiellement l’adaptation des oiseaux aux contraintes du milieu urbain.  

La diversité génétique des animaux est souvent réduite en milieu urbain, et l’on observe parfois l’apparition de différences génétiques entre animaux des villes et des campagnes, conséquences d’une fragmentation du paysage réduisant les flux d’individus, et d’une raréfaction des habitats favorables limitant la taille des populations. En accord avec ces prédictions, cette étude met en évidence une diversité génétique amoindrie dans les sites les plus urbains (zones industrielles et résidentielles) par rapport aux sites plus naturels (parcs et forêt), de même qu’une différenciation génétique entre les mésanges distribuées le long du gradient urbain.

Du point de vue de l’étude des effets de la sélection naturelle en milieu urbain, la théorie prédit que les pressions de sélection nouvelles en milieu urbain influencent de nombreux traits complexes et par conséquent de nombreux gènes qui les influencent. En accord avec ces prédictions, des tests d’association entre gènes et degré d’urbanisation ont identifié plusieurs centaines de marqueurs génétiques qui pourraient être impliqués dans la réponse adaptative à la sélection en milieu urbain. Nombreux de ces marqueurs sont localisés dans des gènes impliqués dans des fonctions biologiques nerveuses et comportementales. Parmi ces centaines de marqueurs génétiques, moins d’une centaine expliquent plus de 80% de la variation d’urbanisation au nid, constituant les cibles les plus probables de la sélection en milieu urbain. La découverte de ces marqueurs ouvre des perspectives prometteuses pour explorer les caractéristiques des oiseaux (par ex. métabolisme, détoxification, comportement) qui sont impliquées dans l’adaptation à la vie en ville. D’une manière générale, cette étude ouvre la perspective d'application d’outils génomiques de haute résolution pour examiner la diversité et l’adaptation polygéniques des populations animales aux milieux urbains.

Référence
Perrier, C., del Campo, A.L., Szulkin, M., Demeyrier, V., Gregoire, A., and Charmantier, A. 2017. Great tits and the city: distribution of genomic diversity and gene-environment associations along an urbanization gradientEvolutionary Applications.

Contact chercheur

Charles Perrier
Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive (CEFE - CNRS / Univ. Montpellier / Univ Paul Valery Montpellier 3 / EPHE / IRD)
charles.perrier@cefe.cnrs.fr

Contact communication

Nathalie Vergne
Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive (CEFE - CNRS/Univ. Montpellier/Univ Paul Valery Montpellier 3/EPHE/IRD)
04 67 61 32 56 | nathalie.vergne@cefe.cnrs.fr