Semer plusieurs cultures est bénéfique pour la biodiversité et favorise la reproduction du grand hamster

Résultats scientifiques

Une étude menée par l’IPHC1 (CNRS / Université de Strasbourg) sur 76 enclos protégés des prédateurs et semés de maïs, de blé ou d’un mixte de maïs, blé, tournesol et luzerne, révèle que la monoculture est défavorable au grand hamster, et réduit la diversité et l’abondance des invertébrés, dont certains indispensables au fonctionnement des sols et à la pollinisation. Ces résultats, publiés en février 2018 dans la revue scientifique Oecologia, renforcent les travaux menés par les agriculteurs en collaboration avec la CAA et l’ONCFS dans le cadre du projet LIFE+ Alister.

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© Florian Kletty – IPHC (CNRS / Université de Strasbourg)

Afin d’évaluer l’impact du maïs, du blé et d’un mixte de culture sur la reproduction du hamster et sur la biodiversité associée, en s’affranchissant des problèmes de prédation ou d’utilisation de pesticides généralement associés avec une approche agricole conventionnelle, le CNRS a réalisé une étude en conditions semi-naturelles au Fort Joffre en 20152.

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Figure 1 : Photo des enclos du Fort Joffre. © Nicolas Busser – CNRS/IPHC.

Dans le cadre de cette étude, 76 enclos (Figure 1) ont été ensemencés en maïsen blé ou en un mixte de cultures (maïs, blé, tournesol, luzerne : les quatre cultures étant semées en lignes). Ces enclos ont été protégés par un filet et des clôtures pour les rendre imperméables à tout prédateur (terrestres et aériens). Au total, 36 hamsters (18 mâles et 18 femelles) ont été relâchés (Figure 2) dans ces enclos (avec 6 couples, soit 12 hamsters, par type de culture). Chaque couple de hamster avait à disposition un enclos de 16 m2 jusqu’à mi-juillet. A cette date, une ouverture était réalisée sur un enclos adjacent, offrant aux hamsters la possibilité d’aller chercher de la nourriture dans cet enclos. Chaque couple de hamster avait donc accès à deux enclos d’une même culture, soit 32 m2 en surface, jusqu’à la fin de l’étude (septembre 2015). Ainsi, 36 enclos étaient occupés par des hamsters, et 40 enclos non-occupés.

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Figure 2 : Photos des lâchers de hamsters au Fort Joffre. © Nicolas Busser, CNRS/IPHC.

Les hamsters relâchés ont été suivis par caméras infrarouges, pièges photos, observations directes et captures.En parallèle, des relevés d’abondance et de diversité d’invertébrés et d’adventices (ou « mauvaises herbes ») ont été réalisés dans chaque enclos (ceux occupés par les hamsters, comme ceux non-occupés), afin d’évaluer :

  1. l’effet de la culture ensemencée sur la biodiversité,
  2. l’effet du hamster sur la diversité et l’abondance des plantes adventives (ou mauvaises herbes).

Les principaux résultats de cette étude révèlent que le fait de semer une seule culture (i.e. monoculture), que ce soit du maïs ou du blé, est incompatible avec les besoins du grand hamster et donc défavorable à sa reproduction ; et ce même lorsque (comme ici), on exclut la prédation, l’utilisation de pesticides ou la mécanisation. En effet, le nombre moyen de jeunes par femelle était < 1 dans les enclos « Maïs » et dans les enclos « Blé », alors qu’il était > 3 dans les enclos « Mixtes » (voir Figure 3).

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Figure 3 : Nombre moyen de petits par femelle dans les enclos du Fort Joffre en fonction du type de culture.Les lettres (a et b) indiquent des différences significatives (sur la base d’un test statistique) entre les différents types d’enclos. Figure adaptée de l’article publié dans Oecologia : https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs00442-017-4025-y

En outre, le fait de semer plusieurs cultures (enclos mixtes) a augmenté à la fois la biodiversité végétale (avec une diversité d’adventices plus élevée ; Figure 4) mais également la diversité et l’abondance des invertébrés, dont certains indispensables au fonctionnement des sols et à la pollinisation. Fait intéressant concernant les adventices (qui peuvent être un frein à l’agriculture, s’ils concurrencent la plante cultivée) : leur diversité était plus élevée dans les enclos mixtes sans hamsters (en comparaison des enclos « Maïs » et « Blé), mais pas dans les enclos « Mixtes avec hamsters » (Figure 4).

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Figure 4 : Diversité d’adventices dans les enclos en fonction du type de culture et de la présence ou de l’absence de hamsters dans l’enclos. Les lettres (a et b) indiquent des différences significatives (sur la base d’un test statistique) entre les différents types d’enclos alors que le « ns » indique l’absence de différence. Figure adaptée de l’article publié dans Oecologia :

Ces résultats (Figure 4) indiquent que le hamster a agi comme un « régulateur » d’adventices, de par son alimentation omnivore. En effet, nous avons pu remarquer que les hamsters étaient particulièrement friands de certains adventices comme le pissenlit ou le coquelicot, qui disparaissaient rapidement des enclos où les hamsters étaient présents. De plus, lorsqu’ils avaient d’autres cultures à disposition (dans les enclos « Mixtes » uniquement), les hamsters ne consommaient presque pas le blé et le maïs, qui restaient majoritairement intouchés. Ceci indique que les parties vertes de ces cultures ne sont pas des aliments de premier choix pour le hamster, et donc peu adaptées en période de reproduction. Par conséquent, si d’autres aliments suffisamment nutritifs sont à disposition dans son environnement (luzerne et tournesol), il va de préférence se rabattre sur ces cultures. Il faudrait maintenant étudier dans quelle mesure la présence d’une diversité de cultures dans l’habitat du hamster (qu’elles soient présentes en bordure de champ, dans des CIPAN, ou en sous-semis) pourrait permettre de limiter les dégâts des hamsters aux cultures d’intérêt (blé, maïs…).

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Hamster mangeant des adventices dans un enclos du Fort Joffre© Florian Kletty, IPHC/CNRS

Pour conclure, le fait de bénéficier à la fois d’une diversité supérieure d’adventices, d’invertébrés et de cultures semées, semble avoir permis aux hamsters de combler leurs besoins nutritifs dans les enclos mixtes et ainsi de se reproduire correctement (Figure 5 ; voir aussi Figure 3), à l’inverse des enclos « Maïs » et « Blé » où la reproduction était trop faible pour l’espèce.

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Figure 5 : Séquence photos d’une femelle avec une portée de 3 jeunes dans un enclos Mixte (à droite). © IPHC – CNRS/Université de Strasbourg.

Ces résultats renforcent donc les essais réalisés par les agriculteurs dans le cadre du projet LIFE+ Alister, en collaboration avec la CAA et l’ONCFS, ayant pour but de trouver des solutions pour diversifier les parcelles de maïs et de blé, en réalisant des sous-semis ou en associant des cultures. Ils viennent également en appui aux essais de semis de cultures similaires aux CIPAN au sein des parcelles de blé sur pieds où les renforcements de hamsters ont lieu chaque année.

 

Notes :

  1. Pour consulter les articles précédents : http://www.grand-hamster-alsace.eu/au-cnrs-on-seme-du/ et http://www.grand-hamster-alsace.eu/premiere-portee-hamsters-nes-en-semi-captivite/
  2. Etude réalisée dans le cadre de la thèse de Mathilde Tissier et du stage de Master 2 de Florian Kletty à l’IPHC (CNRS et Université de Strasbourg), sous la direction de Caroline Habold, en collaboration avec Yves Handrich. 

 

Référence :

Mathilde L. Tissier, Florian Kletty, Yves Handrich, Caroline Habold. Monocultural sowing in mesocosms decreases the species richness of weeds and invertebrates and critically reduces the fitness of the endangered European hamster. Oecologia. 2018

Contact chercheuse

Caroline HABOLD
Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien - IPHC (CNRS / Université de Strasbourg)
caroline.habold@iphc.cnrs.fr