Le génome de cinq néandertaliens tardifs donne un nouvel aperçu de l’histoire du peuplement néandertalien

Résultats scientifiques Interaction Homme-Milieux

Des avancées méthodologiques liées à l'extraction de l'ADN fossile humain ont permis aux chercheurs de l'Institut Max Planck d'anthropologie évolutionniste de Leipzig, en Allemagne, de séquencer les génomes de cinq néandertaliens datés entre 39 000 et 47 000 ans, représentant les derniers néandertaliens d’Eurasie. Cette étude réalisée en collaboration avec des chercheurs de différentes institutions internationales, dont le CNRS, en France, a fourni les preuves d'un renouvellement probable de la population de Néandertaliens dans le Caucase ou en Europe vers la fin de leur histoire. Ces néandertaliens tardifs sont tous plus étroitement apparentés aux néandertaliens qui ont contribué à l'ADN des ancêtres des hommes modernes actuels qu’à un néandertalien de l'Altaï précédemment séquencé.

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Molaire supérieure appartenant à un homme de Néandertal - Spy, Belgique. © I. Crevecoeur

 

En raison du nombre limité de spécimens et des difficultés à extraire de l'ADN endogène à partir de restes fossiles anciens, le nombre de Néandertaliens pour lesquels le génome nucléaire a été séquencé est encore très limité. Depuis 2010, des séquences du génome entier ont été générées pour quatre Néandertaliens de Croatie, de Sibérie et du Caucase russe. Cette nouvelle étude vient doubler ce nombre avec l’ajout de cinq nouveaux génomes représentant des Néandertaliens issus d'une aire géographique plus large et d'une période plus récente que ce qui avait été précédemment obtenu.

L’amélioration des méthodes d’élimination de l'ADN microbien et humain contaminé sur ces restes fossiles a permis aux chercheurs de séquencer les génomes de cinq néandertaliens provenant des sites de Spy et Goyet en Belgique, des Cottés en France, de Vindija en Croatie et de Mezmaiskaya en Russie. Ces individus datés directement entre 39 000 et 47 000 ans représentent certains des derniers néandertaliens survivants en Europe.

Ces génomes nous permettent d’initier la reconstruction de l'histoire de la population néandertalienne. "Nous voyons que la similarité génétique entre ces néandertaliens est bien corrélée avec leur localisation géographique. En comparant ces génomes au génome d'un n éandertalien plus âgé du Caucase, nous montrons qu'un renouvellement de la population néandertalienne est susceptible d'avoir eu lieu vers la fin de l'histoire de néandertal ", explique le premier auteur, Mateja Hajdinjak.

En outre, l'équipe a également comparé ces génomes n éandertaliens à ceux des hommes modernes actuels afin d’en apprendre davantage sur les phénomènes d’hybridation identifiés chez les ancêtres non-Africains des populations actuelles. Les chercheurs ont montré que tous les néandertaliens tardifs sont plus semblables aux néandertaliens qui se sont croisés avec les ancêtres des premiers hommes modernes qu’à un néandertalien plus ancien provenant de Sibérie. Cependant, même si quatre des individus néandertaliens nouvellement séquencés sont postérieurs à l'arrivée supposée des premiers hommes modernes en Europe, les chercheurs n'ont détecté aucune preuve du flux génétique des hommes modernes au sein de ces populations tardives de néandertaliens.

"Notre travail démontre que l’obtention de séquences génomiques à partir d'un grand nombre d'individus humains archaïques est maintenant techniquement faisable, et ouvre la possibilité d'étudier les populations néandertaliennes à travers leur aire temporelle et géographique" dit Svante Pääbo, directeur de l'Institut d'anthropologie évolutionniste, où des recherches sont en cours sur le séquençage et l'analyse des génomes archaïques.

 

Référence :

Mateja Hajdinjak, Qiaomei Fu, Alexander Hübner, Martin Petr, Fabrizio Mafessoni, Steffi Grote, Pontus Skoglund, Vagheesh Narasimham, Hélène Rougier, Isabelle Crevecoeur, Patrick Semal, Marie Soressi, Sahra Talamo, Jean-Jacques Hublin, Ivan Gušić, Željko Kućan, Pavao Rudan, Liubov V. Golovanova, Vladimir B. Doronichev, Cosimo Posth, Johannes Krause, Petra Korlević, Sarah Nagel, Birgit Nickel, Montgomery Slatkin, Nick Patterson, David Reich, Kay Prüfer, Matthias Meyer, Svante Pääbo, Janet Kelso.
Reconstructing the Genetic History of Late NeanderthalsNature, 2018

Contact chercheuse

Isabelle CREVECOEUR
De la prehistoire a l'actuel : culture, environnement et anthropologie - PACEA (CNRS / Université de Bordeaux / Ministère de la Culture)
isabelle.crevecoeur@u-bordeaux.fr