Evolution répétée, ou convergence, de chromosomes sexuels dans un groupe de champignons

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Une étude menée en collaboration entre le CNRS, les Universités Paris Sud et Lyon, les Etats Unis et l’Allemagne et publiée dans Nature Communications a mis en évidence un très grand nombre d’évolutions indépendantes de chromosomes sexuels dans un groupe de champignons. Des comparaisons de génomes ont révélé des évolutions différentes ayant toutes mené à des chromosomes privés de recombinaison et impliqués dans la compatibilité sexuelle. Une forte sélection peut donc reproduire plusieurs fois des caractères similaires par des trajectoires évolutives différentes et ainsi rendre l’évolution répétable, voire prédictible.

Image retirée.
Fleur de la plante Silene paradoxa parasitée par le champignon Microbotryum produisant ses spores dans les anthères et ayant évolué des chromosomes de types sexuels sans recombinaison.
(Crédit : Michael Hood, CNRS / Ecologie, Systématique et Evolution).

Le fameux paléontologue Stephen Jay Gould avait émis l’idée qu'en « redéroulant le film de l'histoire de la vie », les formes de vie seraient très différentes, l'évolution étant si contingente qu'elle ne serait pas répétable. Pourtant, il existe des cas de convergence, c’est-à-dire d’évolution répétée des mêmes caractères dans plusieurs lignées évolutives indépendantes, résultant d'une forte sélection sur ces caractères. Par exemple, les nageoires des mammifères marins et des poissons ont la même fonction, le mouvement dans l'eau, mais ont évolué indépendamment dans ces deux groupes d'organismes. Une étude récente vient de révéler un cas de convergence chez des champignons pathogènes, avec une évolution répétée de chromosomes de type sexuels dans au moins cinq lignées différentes génétiquement proches.

Des analyses de génomes complets avec des assemblages de très haute qualité ont en effet montré cinq réarrangements chromosomiques différents, qui se sont produits à des dates distinctes, ayant tous mené à une liaison génétique des gènes qui déterminent le type sexuel. Cette liaison génétique fait que les différents gènes contrôlant le type sexuel sont transmis comme un seul gène à la descendance (constituant ce qu’on appelle un « supergène »), ce qui donne un avantage sous le mode de reproduction d’autofécondation de ces champignons. La liaison génétique entre les gènes de type sexuel augmente en effet le degré de compatibilité entre cellules reproductrice d’un même individu. Cette étude montre ainsi que différents changements génomiques ont mené de façon répétée à des chromosomes de type sexuel, formant un supergène, ce qui montre qu’une forte sélection peut produire une évolution répétable d'un même caractère par des trajectoires différentes.

 

Références :

Branco S, Carpentier F, Rodriguez de la Vega R, Badouin H, Snirc A, Le Prieur S, Coelho M, de Vienne D.M., Hartmann F, Begerow D, Hood ME, Giraud T. Convergent supergene evolution events in mating-type chromosomes. Nature Communications, 10.1038/s41467-018-04380-9 (2018).

Contact chercheuse

Tatiana GIRAUD
Laboratoire Ecologie, Systématique et Evolution - ESE (CNRS, Univ. Paris-Sud, AgroParisTech, Université Paris-Saclay)
tatiana.giraud@u-psud.fr

Contact communication

Béatrice ALBERT
Laboratoire Ecologie, Systématique et Evolution - ESE (CNRS, Univ. Paris-Sud, AgroParisTech, Université Paris-Saclay)
beatrice.albert@u-psud.fr