Sur les traces du Rhinopithèque de Biet
Les lichens du genre Usnea et Bryoria constituent la nourriture majeure des Rhinopithèque de Biet.© Patrick GIRAUDOUX

Sur les traces du Rhinopithèque de Biet

Résultats scientifiques Interaction Homme-Milieux

Une étude a documenté la distribution des indices du très rare Rhinopithèque de Biet, une espèce de primate endémique et en danger, dans la forêt de montagne de XiangGuQing, Yunnan, Chine, entre 2500 et 4130 m d'altitude. Publiée dans Mammalia et sélectionnée dans Science Discoveries, elle a été conduite dans le cadre du GDRI « Ecosystem health and environmental disease ecology », et est issue d’une coopération entre des chercheurs chinois du laboratoire « Wildlife management and Ecosystem Health » de l’Université des Finances et de l’Economie du Yunnan et du laboratoire Chrono-environnement de l’Université de Franche-Comté/CNRS.

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Les lichens du genre Usnea et Bryoria constituent la nourriture majeure des Rhinopithèque de Biet. ©Patrick GIRAUDOUX

 

L'observation directe et l'échantillonnage d'espèces insaisissables peuvent être difficiles pour des raisons techniques et éthiques. Cependant, les recensements peuvent être indirects et basés sur l'observation d'indices d'activité tels que fèces, feuilles rongées, etc. Associée à des méthodes génétiques non invasives, cette approche peut fournir des informations extrêmement précises sur les individus, les tailles de population, les mouvements et les maladies. Cependant, la conception d'un échantillonnage optimal dépend d’une connaissance sur les causes de variation de visibilité des indices. Pour un même groupe, celle-ci peut changer au cours des saisons et selon les milieux.

Rhinopithecus bieti, le Rhinopithèque de Biet, un singe cercopithèque découvert à la science par des missionnaires français au XIXème siècle, et dont les types sont depuis déposés au Museum National d’Histoire Naturelle, vit dans l'un des environnements les plus extrêmes de tout primate non humain. On le trouve dans 15 populations distinctes totalisant moins de 3000 animaux, dans le nord-ouest du Yunnan et le sud-est du Tibet, entre les rivières Jinsha (Yangtsé supérieur) et Lancang (Haut Mékong), où il habite les écosystèmes forestiers de montagne. Son écologie était virtuellement inconnue jusque dans les années 1990, et les connaissances sur l’espèce restent encore extrêmement fragmentaires.

Une équipe franco-chinoise a étudié la distribution des populations de singes et les relations entre indices (fèces, feuilles rongées, brindilles brisées) et présence, dans l'espace et le temps. Pendant quatre mois, le premier auteur a parcouru plus de 80 km de sentiers de montagne dans la forêt de XiangGuQing - GeHuaQing, Tacheng, Chine (99.37°E, 27.64°N). D'après les dénombrements d'un groupe sauvage de plusieurs centaines d'animaux le long des sentiers, les auteurs montrent qu'à grande échelle (100 km2), les indices sont distribués dans l'espace sous forme de clusters emboîtés et que les singes préfèrent fortement les pentes sud entre 2900 et 3400 m d’altitude. Des transects supplémentaires effectués dans une sous-population d'environ 60 individus ont montré que des séjours de 2-3 jours sur une surface de quelques hectares suffisaient pour obtenir une distribution spatialement homogène des fèces.  Les chercheurs ont également montré que les conditions météorologiques et les interactions avec d'autres espèces peuvent modifier la densité des indices (par exemple, le nombre de fèces était en moyenne 4,2 fois plus élevé dans les endroits où les porcs domestiques étaient absents ; il a été alors révélé que les porcs se nourrissaient des fèces, ce qui peut avoir des conséquences, non seulement sur la distribution des fèces, mais aussi sur la transmission de parasites entre espèces).

Ces observations soulignent l'importance de considérer plusieurs échelles spatiales et temporelles lors de l'échantillonnage des indices. Ils fournissent une base d’échantillonnage à partir de laquelle il est possible de développer des méthodes d'écologie moléculaire élucidant la façon dont les Rhinopithèques de Biet se distribuent spatialement sur de vastes zones, et comment les populations isolées actuellement peuvent se reconnecter.

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Jeune animal en posture de menace. © Patrick GIRAUDOUX

 

Références :

Fu R, Li L, Yu ZH, Afonso E, Giraudoux P 2018. Spatial and temporal distribution of Yunnan snub-nosed monkey, Rhinopithecus bieti, indicesMammalia. 83 (2). Epub.

Contact chercheur

Patrick GIRAUDOUX
Chrono-environnement (Université de Bourgogne Franche-Comté/CNRS)
03 81 66 57 45 | patrick.giraudoux@univ-fcomte.fr

Contact communication

Pierre TRAP
Chrono-environnement (Université de Bourgogne Franche-Comté/CNRS)
03 81 66 57 13 | pierre.trap@univ-fcomte.fr