Isolement de 247 espèces de bactéries entièrement nouvelles à partir du tube digestif humain

Résultats scientifiques

L’équipe de Didier Raoult à l’Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée Infection a isolé 1170 bactéries différentes à partir du tube digestif humain dont 247 espèces nouvelles. Plus de 1000 échantillons ont été analysés par « culturomics », une technique innovante développée par l’équipe et basée sur la multiplication des conditions de culture des bactéries. Cette étude a été publiée le 7 novembre 2016 dans la revue Nature Microbiology.

La culture est la première technique microbiologique qui a permis d’étudier et de comprendre les microbes et les maladies qu’ils causaient. Cependant s’agissant d’une technique longue, fastidieuse et couteuse, les microbiologistes l’ont progressivement abandonnée à la suite de l’essor des méthodes moléculaires à la fin du 20ème siècle. La métagénomique, une analyse moléculaire permettant d’identifier l’ADN des microbes, a par la suite été la seule et unique méthode utilisée par les chercheurs pour explorer les microbiotes humains. On appelle « microbiote humain » l’ensemble des micro-organismes vivant dans un environnement spécifique comme par exemple le microbiote digestif. Cependant, les techniques métagénomiques ne permettent d’obtenir qu’une vision partielle du microbiote étudié et ses résultats ne sont que rarement reproductibles. 
Au total, plus de 14,000 espèces de bactéries ont été cultivées jusqu’à présent, incluant environ 2,300 espèces cultivées à partir de prélèvements humains. La culture microbienne a connu un renouveau important depuis quelques années en particulier grâce aux microbiologistes de l’environnement. Par ailleurs, la culture microbienne en microbiologie humaine a connu ces 5 dernières années un essor considérable grâce à la généralisation d’une méthode d’identification rapide et peu couteuse des bactéries par spectrométrie de masse (MALDI-TOF). Cette technique est devenue la technique de référence d’identification des bactéries dans les laboratoires de microbiologie et a permis à l’équipe de Didier Raoult de développer un nouveau concept d’étude des microbiotes humains appelé « Microbial culturomics ». Cette technique est basée sur la multiplication les conditions de culture, en faisant varier par exemple la composition du milieu de culture, la température d’incubation, l’atmosphère d’incubation, le pH du milieu de culture, couplée à une identification rapide des bactéries qui ont poussées par la spectrométrie de masse.

Les chercheurs ont analysé par culturomics près de 1 000 échantillons provenant du tube digestif humain (selles, estomac, intestin grêle et colon). Ainsi l’équipe de Didier Raoult a pu cultiver 1170 bactéries différentes, dont 247 espèces de bactéries qui sont entièrement nouvelles. Les chercheurs ont aussi trouvé  269 bactéries qui étaient connues uniquement dans l’environnement et qui ont donc été isolées pour la première fois chez l’homme et 250 bactéries qui avaient déjà été isolées chez l’homme mais jamais dans le tube digestif. Au total, la culturomics a permis de doubler le nombre de bactéries cultivées à partir du microbiote digestif humain. L’ensemble de ces nouvelles espèces de bactéries est disponible dans des collections de souches internationales (Collection de Souches de l’Unité des Rickettsies, CSUR, http://www.mediterranee-infection.com/article.php?laref=14&titre=collection-de-souches&PHPSESSID=9fcdelb4k588omuqmnmagg4pj6 et Deutsche Sammlung von Mikroorganismen und Zellkulturen, DSMZ) et accessible à la communauté scientifique, chacun pouvant ensuite utiliser ces souches pour rechercher un éventuel lien de causalité avec diverses pathologies. En effet, à titre d’exemple, la culturomics a participé à établir un lien entre des souches de Clostridium butyricum secrétant une toxine et l’entérocolite ulcéro-nécrosante (une maladie potentiellement mortelle touchant les enfants prématurés) et un lien entre le microbiote digestif et la réponse aux thérapies anti-cancéreuses. Seul le fait de disposer de ces souches a permis aux auteurs de tester leur hypothèse, ce qui aurait été impossible par l’approche métagénomique uniquement. De plus le séquençage des génomes de ces nouvelles espèces bactériennes a permis d’identifier des séquences jusqu’alors inconnues, ce qui faciliter a l’interprétation des futures études de métagénomique.

 

Image retirée.
Figure : Stratégie de la culturomic.

© Didier Raoult

 

 

En savoir plus

  • Culture of previously uncultured members of the human gut microbiota by culturomics. 
    Lagier JC, Khelaifia S, Alou MT, Ndongo S, Dione N, Hugon P, Caputo A, Cadoret F, Traore SI, Seck EH, Dubourg G, Durand G, Mourembou G, Guilhot E, Togo A, Bellali S, Bachar D, Cassir N, Bittar F, Delerce J, Mailhe M, Ricaboni D, Bilen M, Dangui Nieko NP, Dia Badiane NM, Valles C, Mouelhi D, Diop K, Million M, Musso D, Abrahão J, Azhar EI, Bibi F, Yasir M, Diallo A, Sokhna C, Djossou F, Vitton V, Robert C, Rolain JM, La Scola B, Fournier PE, Levasseur A, Raoult D.
    Nat Microbiol. 2016 Nov 7;1:16203. doi: 10.1038/nmicrobiol.2016.203.

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Didier Raoult