Comment évolue le métabolisme des plantes ?

Résultats scientifiques

L'équipe de Danièle Werck à l'Institut de biologie moléculaire des plantes révèle, grâce à une approche de phylogénomique combinée à la biochimie des cytochromes P450 et à la chimie analytique, les mécanismes de l’évolution d’une voie métabolique à partir d’une rétroposition chez les Brassicaceae. Cette étude est  publiée dans la revue Nature Communications.

Les plantes se caractérisent par un métabolisme spécialisé dont la complexité s’est accrue au cours de l’évolution des espèces en réponse aux sollicitations de l’environnement. Les mécanismes de cette diversification restent cependant mal connus.
Mettant à profit le séquençage récent de nouvelles espèces de plantes, l'équipe de Danièle Werck vient de reconstituer l’histoire évolutive d’un rétroposon de la famille des cytochromes P450 chez les Brassicaceae. Cette étude démontre qu’à partir d’un gène ancestral vieux de 450 millions d’années et impliqué dans la synthèse d’un biopolymère essentiel du bois (la lignine), un rétroposon est apparu chez les Brassicales il y a entre 70 et 100 millions d’années. Ce rétroposon a acquis une nouvelle fonction métabolique permettant la synthèse d’un composant du manteau pollinique et d’un biopolymère formant la paroi des grains de pollen. Dans une seconde étape au cours de l’évolution des Brassicaceae, il y a 45 millions d’années, ce rétroposon s’est dupliqué. Les deux gènes frères ont poursuivi leur évolution, l’un acquérant une nouvelle fonction permettant l’élongation de la voie métabolique du pollen. Le sort de ces deux gènes frères a ensuite divergé selon les lignées de Brassicaceae. Chez certaines lignées, un des deux gènes a été perdu, le second remplissant toutes les fonctions métaboliques. Dans une autre lignée, les deux gènes ont été conservés avec un partage complet des fonctions au sein de la voie métabolique. D’une façon inattendue, la relaxation de la pression de sélection qui résulte de ce partage de fonction, a permis à un gène de poursuivre son évolution pour développer une capacité à métaboliser une autre classe de molécules, les flavonoïdes.
Ce travail, en alliant des analyses bioinformatiques d’évolution moléculaire et de reconstruction phylogénétique, ainsi que des approches génétiques et biochimiques, a permis d’illustrer finement les mécanismes à l’origine d’une diversification métabolique. Cette étude réaffirme le caractère stochastique de l’évolution et met en exergue l’importance de la duplication des gènes dans la plasticité métabolique végétale.

 

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Figure : Histoire évolutive du rétroposon du gène CYP98 chez les Brassicaceae. La rétroposition initiale de gène CYP98A3 contribuant à la synthèse de la lignine a été suivie d’une duplication. Le sort des deux paralogues qui résultent de cette duplication diffère dans les lignée I, II et III. Dans les lignées II et III, un seul paralogue est conservé. L’enzyme codée par ce gène est polyvalente et catalyse deux réactions successives d’hydroxylation des phénolamides du pollen. Dans la lignée I, les deux paralogues sont conservés, chaque enzyme catalysant uniquement une réaction d’hydroxylation des phénolamides. La fixation des deux paralogues s’accompagne d’une nouvelle étape d’évolution de l’un d’entre eux, et génère une enzyme qui catalyse également l’hydroxylation de flavonoïdes.

© Danièle Werck. Nature publishing group

 

 

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Contact

Danièle Werck-Reichhart
Directeur de recherche CNRS à l'Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP) - (CNRS / Université de Strasbourg)