La recherche d’anti-inflammatoires inspirée par le dialogue moléculaire entre un parasite et son hôte

Résultats scientifiques

Toxoplasma, l’agent de la toxoplasmose, crée des conditions d’inflammation appropriées pour lui permettre d’effectuer son cycle infectieux sans mettre en péril la survie de son hôte. Des chercheurs de l’Institute for Advanced Biosciences et de l’EMBL-Grenoble, ont découvert comment Toxoplasma détourne une des plus anciennes voies de transduction du signal impliquée dans l’immunité des animaux. Ces travaux qui ouvrent la voie au développement d’un outil de criblage de nouvelles molécules anti-inflammatoires, ont été publiés le 14 novembre 2016 dans la revue Structure.

Toxoplasma est l’agent pathogène responsable de la toxoplasmose, une infection quasiment asymptomatique chez les personnes immunocompétentes mais qui peut se manifester sévèrement chez les individus dont le système immunitaire est affaibli (infection VIH, cancérothérapies, greffes) ou immature (toxoplasmose congénitale).

Toxoplasma se développe dans une vacuole « parasitophore » qui l’isole du milieu intracellulaire de la cellule qui l’héberge. Tout en le protégeant des défenses cellulaires de son hôte, cette vacuole lui permet de créer un environnement singulier et propice à sa multiplication. Pendant toute la durée du cycle infectieux, il injecte également des effecteurs protéiques dans sa cellule hôte pour détourner des fonctions cellulaires essentielles à son propre avantage.

Quand une cellule dans votre corps détecte un parasite, elle déclenche une réaction en chaîne. À l'intérieur de cette cellule, une série de molécules s'activent mutuellement jusqu'à ce qu'une protéine appelée p38α soit activée et se déplace dans le noyau de la cellule où elle y active les gènes qui déclenchent la réponse inflammatoire. Le but ultime de cette réponse est d'éliminer l'agent pathogène. On pourrait s'attendre à ce que des parasites comme Toxoplasma veuillent surmonter cette réponse, mais Mohamed-Ali Hakimi et ses collègues de l’Institute for Advanced Biosciences ont découvert il y a quelques années que Toxoplasma sécrète une protéine, GRA24, qui fait tout le contraire: elle active de manière permanente notre réponse inflammatoire.

«Ce parasite remodèle la réponse inflammatoire de l'hôte», explique Matthew Bowler de l'EMBL. "Il subvertit ainsi les voies de signalisation qui normalement participent aux défenses de notre corps."

Les chercheurs ont découvert que GRA24 a la propriété de court-circuiter cette cascade en provoquant l’autophosphorylation prolongée de p38α, puis son accumulation dans le noyau de la cellule infectée. En utilisant une combinaison de techniques structurales, ils ont découvert que GRA24 s'attache beaucoup plus fortement à p38α et entre en compétition avec les protéines de la cellule infectée. En produisant une protéine qui se lie directement, et très étroitement, à p38α, Toxoplasma vient contrôler le niveau de la réponse inflammatoire en rendant inaccessible p38α aux protéines qui normalement viennent l’inactiver. C'est pourquoi le toxoplasme n’est pas considéré comme une grave menace pour la santé, sauf pour les femmes enceintes et les personnes ayant un système immunitaire compromis.

Le mécanisme d’action de GRA24 sur p38α a permis de découvrir  une nouvelle façon d'évaluer l'efficacité des anti-inflammatoires, dont beaucoup sont conçus pour bloquer p38α. Jusqu'à présent, il a été difficile d'évaluer leur efficacité, parce que les scientifiques n'ont pas eu un bon moyen de produire une forme active de p38α en laboratoire. En co-produisant GRA24 associé à p38α, Matthew Bowler et Mohamed-Ali Hakimi avec leurs collègues et l'aide de la plateforme EMBL d'expression et de purification des protéines, ont ouvert la voie à la mise au point d'un nouvel outil de criblage de candidats-médicaments anti-inflammatoires ciblant spécifiquement p38α dans son état actif.

 

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Figure : La structure de GRA24 (billes violettes), une protéine intrinsèquement désordonnée, liée au p38α humain (vert et bleu) est montrée au premier plan. En arrière plan la protéine GRA24 (en rouge) est sécrété par le parasite dans le noyau de la cellule humaine infectée.

© Matthew Bowler (EMBL) et Mohamed-Ali Hakimi (IAB)

 

 

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