Construire la carte d’identité de toutes les cellules

Résultats scientifiques

Le lancement du projet Cell Atlas* par la Fondation Zuckerberg vient de révéler au grand public la possibilité de séquencer le génome d'une cellule individuelle, et d’y détecter les gènes qui y sont activés ou désactivés, pour ainsi établir le type de la cellule et son état. Ceci implique le développement de nouvelles technologies. L’équipe de Pascal Barbry, à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire de Sophia Antipolis, a élaboré une approche simple et d’un coût réduit pour identifier les ARN messagers d’une seule cellule, susceptible d’être utilisée par de nombreux laboratoires de biologie. Cette étude a été publiée le 9 décembre 2016 dans la revue Nucleic Acids Research.

Depuis les travaux précurseurs de Leeuwenhoeck, Schwann et Virchow, la cellule apparait comme l'élément constitutif de tout organisme vivant. Chaque cellule est issue par biogénèse d'une autre cellule mère, avec laquelle elle partage certains traits, et en diffère par d’autres. Son profil d’expression génique peut constituer une carte d’identité extrêmement précise, qui révèle des informations sur son destin, traçant sa bifurcation vers de nouveaux états normaux (différenciation de cellules souches, développement, etc…) ou pathologiques (cellules souches cancéreuses, …). La mesure individuelle des profils d’expression génique de toutes les cellules présentes dans un échantillon reste cependant un vrai défi méthodologique. Il s’agit de mesurer l’expression du plus grand nombre possible de gènes sur le plus grand nombre possible de cellules, afin d’affiner les mesures effectuées jusqu’à présent par des technologies classiques, avec lesquelles des populations «moyennes» de cellules apparemment identiques sont analysées et comparées. De nouvelles méthodes de mesure quantitative des acides nucléiques fonctionnent désormais à partir de quelques picogrammes (i.e. un millionième de millionième de gramme) d'ADN ou d'ARN, ce qui correspond aux quantités contenues dans une seule cellule eucaryote. Ces améliorations ont été portées par l’émergence de nouveaux outils de séquençage et d'analyse quantitative des acides nucléiques, très performants, et par l’arrivée à maturité de technologies micro-fluidiques qui permettent d’améliorer les rendements des différents protocoles.

L’équipe « Physiologie Génomique des Eucaryotes » de l’Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire de Sophia Antipolis et la plateforme UCA GenomiX, dirigées par Pascal Barbry, ont élaboré un protocole expérimental simplifié qui est utilisable sur différentes plateformes d’isolement de cellules. Sa compatibilité avec la plupart des séquenceurs moyen-débit (Illumina, Life Technologies, etc), désormais fréquemment disponibles dans tous les laboratoires de biologie, permet d’ouvrir ces approches d’analyse massive de l’expression génique sur cellule unique à de nombreux laboratoires. L’amélioration principale apportée par l’équipe de Sophia Antipolis porte sur le contrôle des biais expérimentaux liés au très grand nombre de cycles d’amplification par PCR, requis du fait de l’utilisation de très faibles quantités de matériel. Le marquage des molécules d'acides nucléiques avant cette étape d’amplification permet à présent de s'affranchir des biais d'amplification.

On peut maintenant anticiper que le développement de nombreuses approches sur cellule unique va permettre d’accéder à des informations très fines sur l’expression génique de chaque cellule. Elles fourniront une nouvelle description du vivant qu’il s’agira d’exploiter.

Ce travail a été réalisé dans le cadre d’un projet de développement cofinancé par la Cancéropôle PACA, et l’infrastructure nationale France Génomique, auxquelles UCA GenomiX de l’IPMC est rattachée.

(*) https://czbiohub.org/projects/cell-atlas/

 

Image retirée.

Figure : (Gauche) L’échantillon biologique est constitué de plusieurs sous-populations de cellules, chacune ayant des caractéristiques fonctionnelles et moléculaires qui lui sont propres (schématisées par différentes couleurs) ; (Centre) Après isolement des cellules par manipulation micro-fluidique (C1 Fluidigm, 10X Genomics, etc) ou par tri cellulaire, des banques d’ADN complémentaires, images des populations d’ARN messagers présents dans chaque cellule, sont construites, séquencées, et quantifiées ; (Droite) Des analyses bioinformatiques permettent alors de retrouver et/ou caractériser les différentes sous-populations de cellules.

© Franck Aguila, IPMC, Sophia Antipolis

 

 

En savoir plus

  • A cost effective 5’ selective single cell transcriptome profiling approach.
    Marie-Jeanne Arguel, Kevin LeBrigand, Agnès Paquet, Sandra Ruiz García, Laure-Emmanuelle Zaragosi, Pascal Barbry, Rainer Waldmann. 2016. 
    Nucleic Acids Research, 2016 1–11. doi: 10.1093/nar/gkw1242

Contact

Pascal Barbry