Un mécanisme de maturation des ribosomes eucaryotes dévoilé

Résultats scientifiques

La synthèse des ribosomes eucaryotes mobilise des protéines de la famille des hélicases d’ARN, dont le rôle précis et le mode de fonctionnement restent mal caractérisés. Les équipes de Nicolas Leulliot au Laboratoire de cristallographie et RMN biologiques et d’Anthony Henras et Yves Henry au Laboratoire de biologie moléculaire eucaryote, révèlent un aspect important du mode de fonctionnement de l’hélicase Prp43 dans la synthèse des ribosomes. Cette étude a été publiée le  9 décembre 2016 dans la revue Nucleic Acids Research.

Les ribosomes sont les machines moléculaires universelles constituées de deux sous-unités (40S et 60S) responsables de la synthèse des protéines cellulaires. Dans les cellules eucaryotes, leur synthèse débute dans des territoires nucléaires, appelés nucléoles, par l’assemblage de particules pré-ribosomiques contenant des précurseurs des ARN ribosomiques, des protéines ribosomiques et de nombreux facteurs d’assemblage et de maturation. Ces particules subissent un processus de maturation complexe au cours duquel (i) les ARN matures s’individualisent progressivement à partir des ARN précurseurs sous l’action de ribonucléases, (ii) certains nucléotides de ces ARN sont modifiés chimiquement, (iii)  les protéines ribosomiques sont progressivement incorporées et (iv) une succession de réarrangements conformationnels se produisent pour générer les sous-unités ribosomiques matures. Ce processus de maturation débute dans les nucléoles et se termine dans le cytoplasme où les particules ribosomiques matures sont libérées pour entrer en traduction.

Si la grande majorité des facteurs impliqués dans l’assemblage et la maturation des particules pré-ribosomiques sont connus à l’heure actuelle, leur rôle moléculaire précis reste à définir. Ce domaine de recherche présente non seulement un intérêt sur le plan fondamental, mais également dans le contexte de la santé humaine. En effet, plusieurs maladies génétiques connues sous le nom de ribosomopathies, sont causées par des mutations dans des gènes codant des protéines ribosomiques ou des facteurs de maturation des particules pré-ribosomiques. Ces maladies se caractérisent par une variété de symptômes incluant des petites tailles, des anomalies cranio-faciales, des triphalangies et des ongles atrophiés, des défauts d’érythropoïèse, et des propensions à développer certains cancers. Ces maladies seraient dues à des défauts de production ou de fonctionnement des ribosomes.

Parmi les nombreux facteurs d’assemblage et de maturation impliqués dans la synthèse des ribosomes, la protéine Prp43 est une protéine de la famille des hélicases à ARN. Elle présente une activité d’hydrolyse de l’ATP appelée « activité ATPase » (Prp43 peut aussi hydrolyser d’autres nucléotides). L’hydrolyse de l’ATP s’accompagne de réarrangements conformationnels permettant de moduler des interactions ARN-ARN par le biais d’une activité de déroulement d’hélices d’ARN (« activité hélicase ») ou de déplacer des interactions protéine-ARN (« activité RNPase »). L’activité de Prp43 est contrôlée par des co-facteurs appelés « protéines à domaine G-patch », qui interagissent directement avec l’enzyme et l’activent.

L’équipe de Nicolas Leulliot  en collaboration avec l’équipe dirigée par Anthony Henras et Yves Henry, a pu identifier des résidus de la protéine Prp43 en interaction directe avec la base de la molécule d’ATP dans le site actif de l’enzyme. Une mutation particulière abolissant cette interaction inhibe les activités ATPase et hélicase de Prp43 in vitro. Cette mutation conduit à des défauts de maturation des particules pré-ribosomiques dans les cellules de levure qui sont très semblables à ceux induits par l’inactivation d’un co-facteur de Prp43 à domaine G-patch, la protéine Gno1.

Ces résultats suggèrent que les défauts de maturation des particules pré-ribosomiques induits par cette mutation résultent très vraisemblablement d’un défaut d’activation de Prp43 par son co-facteur Gno1. Ces données mettent en évidence que l’interaction entre des résidus de Prp43 et la base de l’ATP sont importants pour l’activité de cette famille d’hélicase et pour leur régulation.

 

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Figure :A- Structure cristalline globale de l’hélicase d’ARN Prp43 en complexe avec une molécule d’ADP. Les domaines RecA1 et RecA2 caractéristiques de la famille des hélicases sont représentés en bleu et délimitent une cavité dans laquelle se trouve le site de fixation et d’hydrolyse de l’ATP. Les domaines additionnels « Ratchet » et N-terminal (N-term) sont représentés en rose. B- Grossissement du site actif de l’enzyme dévoilant l’empilement moléculaire entre l’arginine 159 du domaine RecA1, la phénylalanine 357 du domaine RecA2 et la base de la molécule d’ADP.

© Reproduit et adapté de Robert-Paganin J. et al. Nucleic Acids Res. 2016 Dec 9. pii: gkw1233. Publié par Oxford University Press pour le compte de Nucleic Acids Research.

 

 

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Contact

Nicolas Leulliot
Anthony Henras
Directeur de recherche CNRS
Yves Henry