HOT dogs: Human Orthologous Translocations in dogs. Des fusions de gènes identiques dans des cancers humains et canins révélées

Résultats scientifiques

L’équipe de Catherine André à l’Institut de génétique et développement de Rennes, identifie et caractérise pour la première fois des translocations chromosomiques induisant des fusions de gènes, qui entraînent la surexpression d’oncogènes chez le chien, similaires à celles identifiées chez l’homme dans les cancers correspondants. Cette étude qui dévoile des processus tumoraux partagés entre l’homme et le chien et permet d’envisager des approches thérapeutiques communes en médecine vétérinaire et humaine, a été publiée le 7 septembre 2017 dans la revue Cancer Research.

Le chien de compagnie, avec son excellent suivi médical et ses nombreuses maladies génétiques, souvent spécifiques de races, y compris de nombreux cancers,  se présente comme un modèle naturel et spontané de plus en plus pertinent pour l’étude génétique et thérapeutique des cancers. En effet, de nombreux cancers sont « homologues » chez l’homme et le chien, que ce soit au niveau clinique, histopathologique ou des réponses aux traitements. Dans ce contexte, l’objectif des chercheurs rennais est d’identifier les causes génétiques de ces cancers chez le chien pour un bénéfice mutuel chien/homme. Ainsi, l’équipe avait déjà mis en évidence des altérations génétiques pour les sarcomes histiocytaires (Hédan et al., 2011 ; Shearin, Hédan et al., 2012), ainsi que des mutations somatiques de gènes bien connus chez l’homme dans les mélanomes canins (Gillard et al., 2014).

Dans cette nouvelle étudeles chercheurs rapportent la découverte et la caractérisation chez le chien d'altérations chromosomiques de type « translocations », induisant des « fusions de gènes ».  Ces fusions (voir figure) sont bien connues et sont caractéristiques de sous-types de lymphomes ou de sarcomes chez l’homme.

 Grâce à la Biobanque nationale de prélèvements de chiens Cani-DNA ( http://dog-genetics.genouest.org) développée et gérée par l’équipe, et à son réseau vétérinaire, les chercheurs ont collecté des prélèvements de qualité avec le suivi clinique. L’ADN de plusieurs cas de cancers canins a été ainsi séquencé avec les nouvelles technologies de séquençage (NGS), et grâce à l’expertise de l’équipe sur le génome canin, des fusions de gènes et d’autres altérations génétiques somatiques ont été mises en évidence. L’équipe s’est focalisée sur les fusions géniques, inédites chez le chien, mais impliquant des gènes orthologues humains. Ce travail a permis d’identifier chez le chien, des translocations parfaitement homologues à l’homme, dans trois tumeurs différentes, à savoir, un lymphome B (DLBCL), un gliome ainsi qu’un sarcome des tissus mous : le dermatofibrosarcome protubérant (ou de Darier Ferrand).

Les chercheurs ont découvert, grâce à des techniques de biologie moléculaire et d’immuno-histochimie, que ces fusions impliquaient non seulement les mêmes gènes que chez l’homme, mais aussi les mêmes points de cassure au niveau de l’ADN, entrainant les mêmes conséquences fonctionnelles. Ces fusions positionnent des oncogènes au niveau de gènes fortement exprimés dans le type cellulaire normal correspondant, à savoir un gène d’immunoglobuline pour les lymphocytes, un gène de myéline pour les cellules nerveuses et un gène de collagène pour les cellules de la peau, entraînant la surexpression des ARNs et des protéines codées par les oncogènes fusionnés (voir figure). Par exemple, pour les lymphomes canin et humain impliquant une fusion entre un gène d’immunoglobuline et un gène de cycline D contrôlant la multiplication cellulaire, typiquement IG-CCND3, il est observé une surexpression de la cycline D,  favorisant ainsi la multiplication des cellules tumorales.

Cette étude démontre que le chien et l’homme partagent les mêmes mécanismes moléculaires de fusions génomiques et apporte à la médecine humaine de nouveaux partenaires potentiels de fusions dans les gliomes et les dermatofibrosarcomes protubérants humains. De plus, ces fusions de gènes sont des éléments cruciaux pour l’amélioration du diagnostic, du pronostic et des thérapies.

En conclusion, ces découvertes apporteront pour le chien des cibles thérapeutiques permettant l’appplication de traitements déjà utilisés en oncologie humaine. Elles ouvrent aussi de nouvelles perspectives pour tester et cribler de nouvelles thérapies, seules ou en combinaisons, dans le cadre d’essais cliniques chez le chien, en amont des essais cliniques chez l’homme. Cette situation unique où l’animal est un modèle pour l’homme et inversement, s’intègre parfaitement au concept «One Health», apportant des bénéfices, à la fois à la médecine humaine et à la médecine vétérinaire.

Les auteurs de la publication remercient très sincèrement les praticiens vétérinaires, les spécialistes en cancérologie vétérinaire et les laboratoires d’histopathologie ayant fourni des prélèvements ou apporté leurs compétences cliniques et expertises en oncologie vétérinaire. La partie de ce travail sur les lymphomes a été réalisée en partenariat avec la société Biotrial (Rennes), lors de la thèse de Ronan Ulvé (convention CIFRE), dans le cadre d’un Laboratoire Commun (LabCom) « OncoTrial » entre la société Biotrial et l’UMS Biosit.

 

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Figure : Détection de la fusion MBP-BRAF par Hybridation in situ en fluorescence (FISH) dans un cas de gliome canin. Les signaux provenant des sondes ciblant le gène MBP (codant la protéine basique de la myéline) (en vert) et le gène BRAF (codant la protéine sérine/thréonine kinase B-Raf) (en rouge) se retrouvent rapprochés en présence d’une translocation chromosomique (en jaune) dans les cellules tumorales.

© Ronan Ulvé, Benoit Hédan, Florian Cabillic et Catherine André
 

 

 

En savoir plus

  • Discovery of Human-Similar Gene Fusions in Canine Cancers. Ulvé R, Rault M, Bahin M, Lagoutte L, Abadie J, De Brito C, Coindre JM, Botherel N, Rousseau A, Wucher V, Cadieu E, Thieblemont C, Hitte C, Cornevin L, Cabillic F, Bachelot L, Gilot D, Hennuy B, Guillaudeux T, Le Goff A, Derrien T, Hédan B, André C. Cancer Res. 2017 Sep 7. doi: 10.1158/0008-5472.CAN-16-2691.

     

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