Un nouveau moyen de lutter contre les infections fongiques mortelles

Résultats scientifiques

Les champignons pathogènes sont responsables d'infections généralisées mortelles, avec 800 000 victimes par an. Des chercheurs français et américains ont découvert que la protéine Bdf1, membre d’une famille ubiquitaire de facteurs régulant l'expression des gènes, est essentielle à la survie des champignons pathogènes. Ils ont identifié des inhibiteurs spécifiques de cette protéine capables de tuer les levures. Ce travail, publié le 18 mai 2017 dans la revue Nature Communications, ouvre de grands espoirs pour le développement d’une nouvelle classe de médicaments antifongiques.

Les champignons pathogènes sont responsables d'infections généralisées qui sont un problème majeur de santé mondial, avec 2 millions de malades et 800 000 décès par an. Les personnes immunodéprimées sont particulièrement susceptibles à ces infections, notamment les patients atteints de Sida, les personnes victimes de cancers traitées par chimiothérapie et les patients receveurs de greffes d’organe ou de cellules souches. L'arsenal de médicaments à la disposition des hôpitaux se limite à quatre classes de molécules antifongiques; parmi celles-ci, échinocandines et azolés sont les médicaments les plus prescrits. Leur utilisation massive liée à l’augmentation des patients à risque, a favorisé l'émergence de souches résistantes contre lesquelles il est urgent de trouver de nouvelles solutions thérapeutiques.

 

Un consortium collaboratif* entre trois instituts de recherche de Grenoble, l'Institut Pasteur et l'Université de Californie du Sud, a révélé une nouvelle stratégie de lutte contre ces infections. Les chercheurs ont identifié et validé une nouvelle cible thérapeutique, la protéine Bdf1. Bdf1 fait partie de la famille des protéines BET, des facteurs très conservés au cours de l'évolution et retrouvés chez la levure et l'homme. Ces facteurs régulent l'expression des gènes. En effet, le génome cellulaire est organisé sous forme de chromatine par des protéines particulières, les histones. Les histones peuvent porter différentes modifications chimiques, dont une acétylation de leurs lysines. Les protéines BET possèdent deux régions particulières, appelées bromodomaines, dont la poche hydrophobe reconnaît les lysines acétylées des histones. Cette liaison est indispensable à leur action et à la bonne expression des gènes.

 

Récemment, des molécules ont été développées pour inhiber les bromodomaines des protéines BET humaines en bloquant leur poche de liaison aux histones acétylées. Les protéines BET ne sont alors plus capables de remplir leur mission, ce qui dérégule massivement le programme d'expression des gènes. Le potentiel thérapeutique de ces inhibiteurs est large et plusieurs essais cliniques évaluent actuellement leur efficacité pour le traitement des cancers, du diabète, de maladies inflammatoires et cardiovasculaires.

 

Au cours de ce travail, le consortium franco-américain a démontré que la protéine BET Bdf1 est essentielle à la survie et à la virulence de Candida albicans. Ce champignon pathogène est responsable d'infections généralisées dans 0,3% des admissions hospitalières en France et 40% des patients infectés en meurent. Les chercheurs ont analysé la structure atomique des deux bromodomaines de Bdf1 et démontré que leurs poches hydrophobes sont plus larges de celles des protéines BET humaines. Cette spécificité a été utilisée pour découvrir des inhibiteurs qui bloquent sélectivement les bromodomaines de la protéine fongique Bdf1 tout en épargnant les bromodomaines humains. Ainsi, ces résultats représentent une avancée majeure et ouvrent la voie au développement d’une nouvelle classe de médicaments antifongiques.

 

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Figure : Modèle tridimensionnel du premier bromodomaine de la protéine Bdf1 en complexe avec un inhibiteur spécifique. La poche hydrophobe du bromodomaine est illuminée en rouge et l’inhibiteur est représenté au sein de la poche. L’arrière-plan montre des cellules du champignon pathogène fongique Candida albicans.

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Carlo Petosa