The Bourne identity, ou la mémoire des cellules souches d’un ver immortel

Résultats scientifiques

Grâce à l'étude d'un petit ver plat aquatique, la planaire, des chercheurs de l'Unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes et leurs collaborateurs ont identifié une nouvelle voie de défense contre le staphylocoque doré impliquant les cellules souches. Cette étude a été publiée le 24 avril 2017 dans la revue Biomédecine.

En étudiant la réponse immunitaire chez un organisme modèle original, un ver plat aquatique appelé la planaire, l’équipe d'Eric Ghigo de l'Unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes, en collaboration avec l’équipe d’Emmanuel Lemichez au Centre méditerranéen de médecine moléculaire (Inserm/Université Nice Sophia Antipolis), le service de radiothérapie de l’APHM et le département de Génomique et Bioinformatique à Otago (Nouvelle-Zélande), a identifié une voie de défense contre le staphylocoque doré (Staphyloccocus aureus) qui fait intervenir les cellules souches. Cette étude révèle la capacité de ces cellules à exprimer une réponse immunitaire.

 

La planaire est capable de résister à des bactéries très pathogènes, voire mortelles pour l'Homme, telles que l’agent de la tuberculose. Mais la planaire est aussi connue pour ses extraordinaires capacités de régénération, qui en font un être potentiellement immortel: elle ne peut pas mourir de vieillesse. Les cellules souches jouent un rôle central dans cette capacité de régénération et les chercheurs ont eut l’idée d’étudier les propriétés immunitaires de ces cellules pour comprendre les raisons d'une défense immunitaire si efficace

 

Peu de choses sont connues sur la façon dont les organismes exposés aux infections récurrentes adaptent leurs réponses immunitaires innées. Les chercheurs montrent que la planaire présente une mémoire immunitaire innée qui se met en place lors du premier contact avec le microbe, ici en l’occurrence le staphylocoque doré. Cette mémoire consiste en un état transitoire de résistance accrue à la réinfection. Ils ont établi que les cellules souches étaient le support de cette mémoire immunitaire et qu'il était possible de la transférer d’une planaire à une autre par greffe de tissu.

 

Mécaniquement, le premier contact avec staphylocoque doré conduit à l'expression par les cellules souches de la planaire du récepteur du peptidoglycane, une molécule majoritaire de la membrane de la bactérie. L'activation du récepteur favorise l'expression de l'histone méthyltransférase (setd8-1) et induit une augmentation du niveau de méthylation de la lysine des histones dans les cellules souches. Ceci entraine un effet de mémoire qui sensibilise les animaux à une expression accrue de gènes de l’immunité tels que p38 MAPK et morn2, favorisant l’élimination de Staphyloccocus aureus lors d’un deuxième contact avec ce même organismes. L’élimination des cellules souches par irradiation efface la mémoire immunitaire innée des planaires (Figure).

 

Cette découverte révèle une fonction immunitaire insoupçonnée des cellules souches et ouvre une nouvelle piste d'action contre le staphylocoque doré et des perspectives thérapeutiques basées sur l’instruction des cellules souches.

 

Ces travaux démontrent l'intérêt des organismes modèles « exotiques », comme la planaire.  En effet, sa grande quantité de cellules souches, ainsi que la conservation au cours de l’évolution de certaines fonctions immunitaires en font un outil indispensable pour l’étude de la réponse antimicrobienne.

 

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Figure : (A) L’élimination des cellules souches est visualisé par la disparition des ARN messager codant pour la protéine Smedwi-1 (bleu) après irradiation des planaires (échelle 125µm). (B) Les planaires éliminent très rapidement (3 jours) les staphylocoques lors du deuxième contact, sauf lorsque les cellules souches ont été éliminées (*p>0.05) (C) La mémoire immunitaire peut être transféré par greffe de tissus d’un ver donneur a un ver accepteur ; si le donneur de tissu est irradié afin d’éliminer les cellules souches, alors la mémoire immunitaire n’est pas transférée au ver accepteur.

© Eric Ghigo

 

 

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