Le stroma tumoral comme cible potentielle dans le cancer tête et cou

Résultats scientifiques

Une collaboration multidisciplinaire menée par l’équipe d’Ellen Van Obberghen-Schilling à l’Institut de biologie Valrose, décrit la constitution moléculaire de la matrice extracellulaire, ou « matrisome », produite par les fibroblastes issus de carcinomes de la tête et du cou. En combinant les résultats du matrisome, l’analyse de tumeurs humaines et l’utilisation de leur modèle de matrice 3D, les chercheurs identifient un rôle décisif de la fibronectine oncofœtale et de deux de ses récepteurs cellulaires dans la migration collective des cellules tumorales. Ces travaux ont été publiés le 19 janvier 2017 dans la revue Nature Communications.

La progression maligne des tumeurs épithéliales est fortement dépendante des interactions entre les cellules cancéreuses et leur l’environnement. La matrice extracellulaire, réseau de macromolécules et protéines associées, est un acteur clé du microenvironnement tumoral. Plus qu’un support structural pour les cellules malignes et non-malignes, elle représente une source de ligands « solides » qui régulent la prolifération, le fonctionnement et la migration des cellules grâce aux récepteurs de la famille des intégrines. Le « matrisome » complet de l’homme contient environ 300 protéines fondamentales pour la structure de la matrice (1% du protéome humain) et 700 protéines associées, mais cette composition semble varier d’un tissu à l’autre et en fonction de la situation physiologique ou pathologique. Plusieurs molécules de la matrice extracellulaire présentes pendant la vie embryonnaire sont exprimées à nouveau au cours de la progression tumorale. Ces protéines dites « oncofoetales » participent à la conversion pro-tumorale du microenvironnement et impactent sur le comportement agressif des cellules tumorales par le biais de réseaux de signalisation complexes et de mécanismes biomécaniques mal connus.
L’équipe d’Ellen Van Obberghen-Schilling, en collaboration avec les laboratoires de pathologie du CHU et le Centre Antoine Lacassagne à Nice, la plateforme protéomique du Centre de recherche en Cancérologie à Marseille et l’entreprise de biotechnologie américaine Biogen Inc. à Cambridge (USA), s’est focalisée sur la matrice extracellulaire des carcinomes de la tête et du cou. Sachant que la matrice extracellulaire (MEC) est en grande partie synthétisée et réorganisée par les fibroblastes associés au cancer (CAF, Cancer Associated Fibroblasts), les chercheurs ont caractérisé par spectrométrie de masse la matrice extracellulaire produite par les fibroblastes issus de tumeurs humaines.
Un premier fait saillant de cette étude est la démonstration de l’importance de la fibronectine «oncofoetale» dans la gouvernance de la migration de cellules cancéreuses en groupes, plutôt qu’individuelle. Dans une cohorte de 435 patients, la fibronectine a été identifiée comme un marqueur de mauvais pronostic. Une deuxième découverte importante est que la migration des cellules tumorales sur les matrices fibrillaires riches en fibronectine (voir figure) nécessite une interaction avec deux intégrines. L’intégrine αvβ6, présente uniquement sur les cellules carcinomateuses et impliquée dans l’activation de la cytokine TGFb, et l’intégrine α9β1 dont peu de choses sont connues à ce jour.
L’ensemble de ces observations de recherche fondamentale et clinique dévoile les stratagèmes utilisés par les cellules carcinomateuses pour envahir le stroma environnant du tissu tumoral. De ce fait, ces recherches permettront de concevoir des approches thérapeutiques ciblant spécifiquement le stroma néoplasique. L’ajout de ce traitement ciblé aux thérapies existantes augmentera la force de frappe pour arrêter la progression des tumeurs de la tête et cou chez l’homme.

 

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Figure : Fibres de fibronectine (en vert) produites par les fibroblastes issus d’une tumeur ORL de l’homme (noyaux cellulaires en bleu).

© Ellen Van Obberghen-Schilling

 

 

En savoir plus

  • Fibronectin-guided migration of carcinoma collectives.
    Sandeep Gopal, Laurence Veracini, Dominique Grall, Catherine Butori, Sébastien Schaub, Stéphane Audebert, Luc Camoin, Emilie Baudelet, Agata Radwanska, Stéphanie Beghelli-de la Forest Divonne, Shelia M. Violette, Paul H. Weinreb, Samah Rekima, Marius Ilie, Anne Sudaka, Paul Hofman and Ellen Van Obberghen-Schilling.
    Nature Communications 8, 19 January 2017. Article number: 14105 (2017). doi: 10.1038 / ncomms14105

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Ellen Van Obberghen-Schilling