Un nouvel invité dans la formation du système nerveux

Résultats scientifiques

La première étape au cours de la formation du système nerveux central des vertébrés est l'induction neurale. Ce processus permet à des cellules naïves d'adopter un destin neural suite à la réception de différents signaux émis par l'organisateur dorsal. En utilisant deux modèles animaux, les équipes d'Hector Escriva et Stéphanie Bertrand au laboratoire de Biologie intégrative des organismes marins et de Laurent Kodjabachian à l'Institut de biologie du développement de Marseille, révèlent la conservation au cours de l'évolution du rôle majeur d'une nouvelle molécule dans ce processus. Cette étude, qui ouvre des perspectives inédites pour l'étude de l'évolution des mécanismes de l'induction neurale, a été publiée le 3 Juillet 2017 dans la revue Nature Ecology and Evolution.

Le système nerveux central (SNC) des vertébrés se forme à partir du feuillet embryonnaire le plus externe, l'ectoderme, qui donne aussi naissance à l'épiderme. La première étape de la formation du SNC est appelée induction neurale. En effet, les cellules de l'ectoderme sont d'abord naïves et adoptent le destin neural en réponse à des signaux émis par un territoire embryonnaire voisin, l'organisateur dorsal. D'un point de vue moléculaire, il a été proposé que l'induction neurale soit causée par l'inhibition de la voie de signalisation BMP (Bone Morphogenetic Protein). Cependant, il apparait que d'autres signaux sont nécessaires, tel que le signal FGF (Fibroblast Growth Factor) chez le xénope et le poulet. De plus, l'origine au cours de l'évolution du processus d'induction neurale et son contrôle moléculaire restaient jusqu'à présent mal connus. Les vertébrés font partie du groupe des chordés qui comprend aussi les tuniciers (ou urochordés), le groupe frère des vertébrés, et les céphalochordés (i.e. l'amphioxus). Cependant chez les urochordés il n'existe pas d'organisateur.


Yann Le Petillon et ses collaborateurs ont montré que chez les céphalochordés (l'amphioxus), la lèvre dorsale du blastopore possède les mêmes capacités que l'organisateur des vertébrés. Pour ce faire, il a fallu mettre au point des expériences de microchirurgie sur un embryon de 80 µm, ce que personne n'avait réussi à reproduire depuis les années 1960. Les chercheurs ont observé que la greffe de la lèvre dorsale d'un embryon donneur sur un embryon receveur induisait la formation d'un deuxième axe embryonnaire, doté d'un tube neural. De plus, la greffe de cette même lèvre dorsale sur un explant d'ectoderme naïf provoque la répression du destin épidermique et l'induction du destin neural.


Du point de vue moléculaire, les auteurs montrent que si l'induction neurale chez l'amphioxus nécessite l'inhibition de la voie BMP, elle est également sous le contrôle de la voie de signalisation Nodal, qui a souvent été considérée comme un signal anti-neural. De manière intéressante et inattendue, les résultats obtenus indiquent que ce signal est aussi un inducteur neural chez le vertébré modèle Xenopus laevis.
D'un point de vue évolutif, cette étude suggère que l'ancêtre des chordés possédait un organisateur responsable du processus d'induction neurale. Concernant le contrôle moléculaire de ce processus, les données obtenues vont à l'encontre de l'existence d'un mécanisme universel et plaident en faveur d'une diversité de signaux dont la combinatoire varie dans les différentes lignées de chordés. L'identification de la voie Nodal comme un signal d'induction neurale conservé entre l'amphioxus et le xénope invite à la réflexion sur le rôle de Nodal chez l'Homme, une question qui peut être abordée aujourd'hui dans des cultures de cellules souches ou d'organoïdes.

 

Image retirée.
Figure : (A) La greffe de la lèvre dorsale du blastopore d'une gastrula d'amphioxus dans la partie ventrale de l'archentéron d'un embryon hôte entraîne le développement d'un embryon siamois avec deux notochordes (qui expriment Brachyury) et deux tubes nerveux (marqués par un anticorps contre la tubuline acétylée). Partie antérieure à gauche et barre d'échelle = 50µm. (B) La greffe de la lèvre dorsale du blastopore, ici marquée avec le fluorophore Texas-Red, sur un explant naïf ectodermique, entraîne l'expression dans l'hôte du marqueur neural Neurogénine. Barre d'échelle= 50µm. (C) L'injection de la protéine Nodal dans un embryon de xénope au stade mid-gastrula entraîne la formation de neurones ectopiques (indiqués par des étoiles blanches) exprimant la N-tubuline au stade bourgeon caudal. Vues latérales, partie dorsale vers le haut, partie antérieure à gauche et barre d'échelle=200µm.

© Stephanie Bertrand. Hector Escriva. Laurent Kodjabachian
 

 

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Le système nerveux central (SNC) des vertébrés se forme à partir du feuillet embryonnaire le plus externe, l'ectoderme, qui donne aussi naissance à l'épiderme. La première étape de la formation du SNC est appelée induction neurale. En effet, les cellules de l'ectoderme sont d'abord naïves et adoptent le destin neural en réponse à des signaux émis par un territoire embryonnaire voisin, l'organisateur dorsal. D'un point de vue moléculaire, il a été proposé que l'induction neurale soit causée par l'inhibition de la voie de signalisation BMP (Bone Morphogenetic Protein). Cependant, il apparait que d'autres signaux sont nécessaires, tel que le signal FGF (Fibroblast Growth Factor) chez le xénope et le poulet. De plus, l'origine au cours de l'évolution du processus d'induction neurale et son contrôle moléculaire restaient jusqu'à présent mal connus. Les vertébrés font partie du groupe des chordés qui comprend aussi les tuniciers (ou urochordés), le groupe frère des vertébrés, et les céphalochordés (i.e. l'amphioxus). Cependant chez les urochordés il n'existe pas d'organisateur.


Yann Le Petillon et ses collaborateurs ont montré que chez les céphalochordés (l'amphioxus), la lèvre dorsale du blastopore possède les mêmes capacités que l'organisateur des vertébrés. Pour ce faire, il a fallu mettre au point des expériences de microchirurgie sur un embryon de 80 µm, ce que personne n'avait réussi à reproduire depuis les années 1960. Les chercheurs ont observé que la greffe de la lèvre dorsale d'un embryon donneur sur un embryon receveur induisait la formation d'un deuxième axe embryonnaire, doté d'un tube neural. De plus, la greffe de cette même lèvre dorsale sur un explant d'ectoderme naïf provoque la répression du destin épidermique et l'induction du destin neural.


Du point de vue moléculaire, les auteurs montrent que si l'induction neurale chez l'amphioxus nécessite l'inhibition de la voie BMP, elle est également sous le contrôle de la voie de signalisation Nodal, qui a souvent été considérée comme un signal anti-neural. De manière intéressante et inattendue, les résultats obtenus indiquent que ce signal est aussi un inducteur neural chez le vertébré modèle Xenopus laevis.
D'un point de vue évolutif, cette étude suggère que l'ancêtre des chordés possédait un organisateur responsable du processus d'induction neurale. Concernant le contrôle moléculaire de ce processus, les données obtenues vont à l'encontre de l'existence d'un mécanisme universel et plaident en faveur d'une diversité de signaux dont la combinatoire varie dans les différentes lignées de chordés. L'identification de la voie Nodal comme un signal d'induction neurale conservé entre l'amphioxus et le xénope invite à la réflexion sur le rôle de Nodal chez l'Homme, une question qui peut être abordée aujourd'hui dans des cultures de cellules souches ou d'organoïdes.

 

Image retirée.
Figure : (A) La greffe de la lèvre dorsale du blastopore d'une gastrula d'amphioxus dans la partie ventrale de l'archentéron d'un embryon hôte entraîne le développement d'un embryon siamois avec deux notochordes (qui expriment Brachyury) et deux tubes nerveux (marqués par un anticorps contre la tubuline acétylée). Partie antérieure à gauche et barre d'échelle = 50µm. (B) La greffe de la lèvre dorsale du blastopore, ici marquée avec le fluorophore Texas-Red, sur un explant naïf ectodermique, entraîne l'expression dans l'hôte du marqueur neural Neurogénine. Barre d'échelle= 50µm. (C) L'injection de la protéine Nodal dans un embryon de xénope au stade mid-gastrula entraîne la formation de neurones ectopiques (indiqués par des étoiles blanches) exprimant la N-tubuline au stade bourgeon caudal. Vues latérales, partie dorsale vers le haut, partie antérieure à gauche et barre d'échelle=200µm.

© Stephanie Bertrand. Hector Escriva. Laurent Kodjabachian
 

 

 

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Contact

Laurent Kodjabachian
Chercheur CNRS à l'Institut de biologie du développement de Marseille
Hector Escriva
Chercheur CNRS au Laboratoire biologie intégrative des organismes marins (BIOM) - (CNRS/Sorbonne Université)
Stépahnie Bertrand