Briser le mur pour assurer la ségrégation des chromosomes en mitose

Résultats scientifiques

La rupture de l’enveloppe nucléaire est essentielle au cours de la division cellulaire pour permettre la libération des chromosomes, leur capture par les microtubules, puis leur ségrégation entre les deux cellules filles. Cependant, les mécanismes moléculaires conduisant à la rupture de cette enveloppe restent à découvrir. Des chercheurs de l’Institut Jacques Monod, en collaboration avec des chercheurs de l’université de Californie, ont mis en évidence un rôle essentiel de la sérine-thréonine kinase Plk1 dans la rupture de l’enveloppe nucléaire. Cette étude a été publiée le 23 octobre dans la revue Developmental Cell.

 

Dans les cellules eucaryotes, le matériel génétique est séquestré dans le noyau pendant l’interphase. Ce compartiment est délimité par l’enveloppe nucléaire (EN), qui est constituée d’une double membrane. Insérés dans cette double membrane, les pores nucléaires forment des canaux aqueux constitués d’une trentaine de nucléoporines qui permettent un transport sélectif entre les compartiments nucléaires et cytoplasmiques. L’enveloppe nucléaire est cruciale pour l’organisation et la fonction du noyau en interphase, en revanche, sa rupture en mitose est essentielle pour la ségrégation des chromosomes. 
La sérine-thréonine kinase Plk1 joue un rôle majeur en mitose et contrôle notamment la formation du fuseau mitotique, la ségrégation des chromatides sœurs et la cytokinèse. Plk1 est surexprimée dans de nombreux cancers et cette surexpression est généralement associée à un diagnostic très défavorable pour les patients. Malgré des progrès significatifs, la régulation et les nombreux rôles que joue cette kinase en mitose restent à découvrir.


L’analyse phénotypique d’un mutant thermosensible de plk-1 dans l’embryon précoce du ver C. elegans a permis de mettre en évidence un nouveau rôle de cette kinase dans la rupture de l’enveloppe nucléaire. De manière spectaculaire, lorsque plk-1 est inactivée, l’enveloppe nucléaire persiste en mitose et sépare physiquement les chromosomes parentaux pendant leur ségrégation, de sorte que ce ne sont pas deux mais quatre masses d’ADN qui sont ségrégées en anaphase, entrainant la formation de noyaux appariés après décondensation de l’ADN au stade deux cellules (Figure). Ce phénotype peut être supprimé par l’inactivation partielle de certaines nucléoporines ce qui suggère que le rôle de Plk1 est de phosphoryler des nucléoporines pour désassembler les pores nucléaires.


En accord avec cette hypothèse, les chercheurs montrent que Plk1 est spécifiquement recrutée à l’enveloppe nucléaire, juste avant sa rupture, dans l’embryon de C. elegans mais également dans les cellules humaines où elle s’accumule au niveau des pores nucléaires. Ils démontrent que le recrutement de Plk1 aux pores nucléaires est déclenché par la phosphorylation sur de multiples sites d’un complexe de trois nucléoporines situé au centre des pores (Figure). La phosphorylation de ces nucléoporines, qui implique la kinase mitotique Cdk1-Cycline B et Plk1 elle-même, déclenche leur interaction avec le domaine C-terminal de Plk1, permettant ainsi son recrutement à proximité de ses substrats. 
Ces travaux mettent en évidence un rôle inattendu des nucléoporines dans la rupture de l’enveloppe nucléaire en permettant le recrutement de Plk1 aux pores nucléaires et en facilitant ainsi la phosphorylation de composants de l’EN.

 

Image retirée.
Figure. PLK-1 est recrutée aux pores nucléaires en prophase pour déclencher la rupture de l’enveloppe nucléaire dans l’embryon de C. elegans. (a) Après fécondation de l’embryon, les chromosomes maternels (rose) et paternels (bleu) s’alignent sur la plaque métaphasique et sont ségrégés en anaphase après rupture de l’enveloppe nucléaire. A l’issue de la mitose, des noyaux uniques entourés d’une enveloppe nucléaire se reforment au sein des deux blastomères. (b) En revanche dans les embryons plk-1ts, l’enveloppe nucléaire persiste et sépare physiquement les chromosomes parentaux en deux masses d’ADN distinctes. Les flèches blanches indiquent les noyaux appariés qui se reforment en fin de mitose dans les embryons plk-1ts. (c) Modèle de travail. PLK-1 est composée d’un domaine kinase (KD) (bleu) et d’un domaine C-terminal (PBD) (orange) qui est impliqué dans la reconnaissance de protéines phosphorylées. En prophase, PLK-1 est importée au noyau et s’accumule aux pores nucléaires via l’interaction de son domaine C-terminal avec les nucléoporines (NPP-1, NPP-4 et NPP-11) du pore central phosphorylées par Cycline B- Cdk1 et PLK-1 elle-même.

© Lionel Pintard
 

 

En savoir plus

 

Contact

Lionel Pintard
Chercheur CNRS à l'Institut Jacques Monod (IJM)