La mouche aussi se moque des lois de Mendel

Résultats scientifiques

Des chercheurs de l’Institut Sophia Agrobiotech et de l’Institut de Biologie Valrose, décrivent chez la drosophile une paramutation présentant un mode de transmission héréditaire non-mendélien comparable à celui identifié chez les plantes et la souris. Le phénotype d’altération du développement de l’aile causé chez un hétérozygote par un allèle mutant “paramutagène”, est transmis à l’allèle sauvage correspondant. L’allèle sauvage ainsi converti en “paramutant” et le phénotype dominant associé sont transmis sur de nombreuses générations sans changement de la séquence de l’ADN et indépendamment du sexe. Cette étude a été publiée le 29 mars 2017 dans la revue PLOS ONE.

La transmission héréditaire d’un phénotype indépendamment d’un changement dans la séquence de l’ADN, implique des effets épigénétiques qui peuvent mettre en jeu des ARN ou des protéines exerçant un rôle dans la modification de la structure du génome et de la chromatine. Il existe de nombreux exemples de maladies héréditaires humaines qui n’ont pu être reliées à une cause génétique et dont on peut envisager qu’elles soient dues à des phénomènes épigénétiques de ce type.

 

Les « paramutations » représentent une catégorie de modifications épigénétiques transmissibles à la génération suivante et correspondent à des modifications de l’expression de l’allèle d’un gène médiées par la méthylation de l’ADN ou des mécanismes de répression liés à des ARN.

 

A la recherche de nouveaux cas de paramutation chez la drosophile, les chercheurs ont réalisé une étude génétique détaillée d’une altération phénotypique transmissible se manifestant par la présence de veines ectopiques dans l’aile de la drosophile. Ce phénotype est causé par l’insertion transgénique d’un élément transposable P dans le gène Delta impliqué dans les processus de signalisation cellulaire requis pour la mise en place et la différenciation des veines de l’aile au cours du développement de la mouche adulteEn effectuant des croisements génétiques appropriés, ils ont démontré que ce phénotype peut être maintenu et transmis sur de nombreuses générations en dehors de la présence du transgène. Ceci fournit un exemple de “paramutation”, rappelant celles décrites précédemment chez les plantes et au locus c-Kit chez la souris par Minoo Razzoulzadegan et al. en 2006 1 .

 

Cette étude décrit pour la première fois chez la drosophile un phénomène dont la transmission est indépendante du sexe et hautement variable à la différence des autres cas de paramutations chez cet organisme qui impliquent la transmission maternelle de petits ARN non-codants. De plus, elle démontre qu’un phénotype lié à une régulation épigénétique peut s’établir à partir d’un événement génétique initial tel que l’insertion d’un transgéne dans le génome.

 

Ce travail ouvre des perspectives nouvelles pour étudier de manière approfondie au niveau cellulaire et moléculaire les mécanismes « paramutagènes » grâce à la drosophile dont une caractéristique remarquable est d’être presque totalement dépourvue de méthylation de l’ADN qui est une modification épigénétique majeure chez les mammifères.

 

Image retirée.
Figure : Le transgène PZ (triangle rouge) correspondant à l'allèle Dl05151 est inséré 681 paires de bases en amont du gène Delta (Dl) (flèche bleue). Il entraine un phénotype dominant visible (extra-veines) qui correspond à la présence de veines supplémentaires dans l'aile de la mouche (flèches en A et C). Les hétérozygotes (G1 Dl05151/Dl*) pour le transgène (A) ont été croisés avec des mouches sauvages (WT. Dl+/Dl+). Un pourcentage élevé de mouches ne portant pas le transgène mais présentant des veines supplémentaires (G2 Paramutant) ont été trouvées dans la descendance (D). Le chromosome sauvage (Dl*) qui a été en contact avec le transgène PZ a été "paramuté" et transmet le phénotype extra-veines "paramutant" de manière stable chez 100% des descendants jusqu'à la 12ème génération.

© Maria Capovilla

 

 

En savoir plus

  • 1Rassoulzadegan M, Grandjean V, Gounon P, Vincent S, Gillot I, Cuzin F. (2006) Nature 441: 469–474.

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