Chacun son tour !

Résultats scientifiques

Des chercheurs de l’Ecole Polytechnique et de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire, ont élucidé le mécanisme de recrutement successif de deux enzymes responsables de la dégradation des ARN messagers chez la levure Saccharomyces cerevisiae. La région d'interaction recrutant ces enzymes n'est présente que chez les levures, dont certaines pathogènes et responsables de mycoses, et elle est essentielle à leur développement efficace. Cette étude publiée dans PNAS le 24 octobre 2017, révèle ainsi une nouvelle cible pour la recherche d’agents anti-fongiques.

 

La voie d’expression des gènes codant pour des protéines débute, chez les organismes eucaryotes, par la transcription d’un gène dans le noyau résultant en la synthèse d’un précurseur d’ARN messager (ARNm). Celui-ci est alors modifié à ses deux extrémités par l’ajout d’une coiffe en 5’ et d’une queue poly(A) en 3’. L’ARNm mature ainsi formé est exporté vers le cytoplasme où il est traduit en protéine jusqu’à ce qu’il soit éliminé par des mécanismes de dégradation très régulés.

 

La première étape des voies de dégradation des ARNm est généralement le raccourcissement de leur queue poly(A) ou désadénylation. Cette étape est habituellement suivie du clivage de la coiffe qui empêche leur traduction et les dirige irrémédiablement vers une dégradation totale. Le clivage de la coiffe en 5’ est catalysé par l’enzyme Dcp2, qui génère ainsi une extrémité 5’-phosphate pouvant être reconnue comme substrat par l’enzyme Xrn1. Cette dernière dégrade l’ARNm nucléotide par nucléotide dans la direction 5’ vers 3’. Bien que les enzymes Dcp2 et Xrn1 soient connus depuis plus de 10 ans, leur mode de recrutement au niveau de l’extrémité 5’ des ARNm restait mal compris.


Les chercheurs ont mis en évidence l’existence de motifs peptiques courts appelés HLM (pour Helix Leucine-rich Motif) présents à la fois chez Dcp2 et Xrn1 et qui sont nécessaires à leur interaction avec la protéine Pat1, une plateforme de recrutement de plusieurs protéines impliquées dans la dégradation des ARNm. Grâce à une combinaison d’approches de génétique de la levure, de biochimie et de biologie structurale, les chercheurs ont pu montrer que le recrutement de Dcp2 et Xrn1 est assuré par une seule et même région de Pat1, qui n’est présente que chez les protéines des levures.


Ces résultats révèlent un recrutement séquentiel de ces enzymes à l’extrémité 5’ des ARNm ciblés pour dégradation qui conduit tout d'abord à l’élimination de la coiffe par Dcp2, suivie par la digestion complète du corps de l’ARNm par Xrn1. Dans la mesure où des mutations situées dans cette région de Pat1 empêchent la fixation de Dcp2 et Xrn1, et limitent la croissance des levures, des molécules ciblant cette région pourraient prévenir le développement des levures pathogènes qui sont responsables d’un nombre croissant de mycoses.

 

Image retirée.
Figure : Recrutement séquentiel des enzymes Dcp2 et Xrn1, responsables de la dégradation des ARNm dans le sens 5’ vers 3’, par la protéine Pat1. Le complexe Lsm1-7 formé par sept protéines à domaine Lsm, se fixe en 3’ des ARNm déadénylés et interagit avec Pat1. La structure cristallographique d’un complexe entre la protéine Pat1 (gris et beige) et un peptide HLM de Dcp2 (bleu), correspondant à l’interaction identifiée par le cercle noir, est représentée en rubans. Pour Pat1, la partie colorée en beige correspond à la région présente uniquement chez les protéines des levures.

​​​​© Bertrand Séraphin et Marc Graille

© Figure illustrant le résumé : Régis Back, Marc Graille et Bertrand Séraphin
 

 

En savoir plus

  • A unique surface on Pat1 C-terminal domain directly interacts with Dcp2 decapping enzyme and Xrn1 5′–3′ mRNA exonuclease in yeast. 
    Clément Charenton, Claudine Gaudon-Plesse, Zaineb Fourati, Valerio Taverniti, Régis Back, Olga Kolesnikova, Bertrand Séraphin, and Marc Graille 
    PNAS.2017 ;  published ahead of print October 24, 2017, doi:10.1073/pnas.1711680114.

 

 

 

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