Le métabolisme du GABA contrôle l’agressivité de gliomes malins

Résultats scientifiques

La présence de cellules aux propriétés variées au sein des tumeurs cérébrales les plus agressives est un des problèmes à surmonter pour traiter ces cancers. Cette hétérogénéité cellulaire est associée à des adaptations du métabolisme. Mais le métabolisme se révèle être davantage qu’un simple support. Une équipe du laboratoire Neurosciences Paris-Seine, collaborant avec des chercheurs et médecins français et brésiliens, montre qu’il peut aussi être un des moteurs de la genèse de l’hétérogénéité intra-tumorale, en agissant sur des régulations épigénétiques. Ces travaux ont été publiés le 28 décembre 2016 dans la revue Acta Neuropathologica.

Les gliomes sont les tumeurs malignes les plus fréquentes du système nerveux central, elles restent de mauvais pronostic: 4ème cause de mort par cancer chez l’adulte, 2ème chez l’enfant. Leur résistance aux traitements anti-cancéreux est en partie liée à la coexistence, au sein d’une même tumeur, de cellules aux propriétés différentes. En effet, certaines cellules dites « souches » résistent à toutes les thérapies actuelles. Cette résistance permet la régénération de la tumeur et aboutit à la rechute des patients. L'hétérogénéité intra-tumorale est aujourd'hui surtout considérée comme la conséquence de l'instabilité génétique des cellules cancéreuses qui produit des clones variés. Mais elle provient aussi et probablement plus de changements dynamiques d’état fonctionnel des cellules. 
Le métabolisme correspond à l’ensemble des réactions chimiques nécessaires au fonctionnement cellulaire. Ses variations sont en général considérées comme une simple adaptation aux changements d’état des cellules, l’exemple le plus étudié étant l’adaptation du métabolisme énergétique aux besoins des cellules en prolifération. Les chercheurs du laboratoire Neurosciences Paris-Seine et leurs collaborateurs1, ont renversé la proposition en recherchant si le métabolisme pouvait avoir un rôle moteur dans ces changements d’état et donc dans la genèse de l’hétérogénéité intra-tumorale. 
Analyses de métabolites, manipulations génomiques et pharmacologiques in vitro et in vivo, et analyses in silico ont été combinées. Ils ont découvert qu’un aiguillage du métabolisme du GABA, due à la répression d’une seule enzyme, suffit à faire passer les cellules cancéreuses d’un état prolifératif et agressif à un état plus différencié et moins agressif. De façon inattendue, l’accumulation du produit de dégradation du GABA a un effet direct sur des modifications épigénétiques de l’ADN. Il inhibe l’activité des enzymes de la famille des protéines « Ten-Eleven Translocation » (TET) assurant la formation de la marque épigénétique 5-hydroxyméthylcytosine (5-hmC), qui module la transcription de gènes. Cette répression de l’agressivité tumorale a été retrouvée dans un ensemble de cellules tumorales aux profils mutationnels différents, dans des gliomes malins de l’adulte comme de l’enfant. Les variations du métabolisme du GABA en fonction des différents taux de prolifération des cellules ont également été mesurées sur des biopsies tumorales, soulignant la pertinence physiopathologique de ce lien inattendu entre le métabolisme d’un neurotransmetteur majeur du système nerveux central et le contrôle épigénétique de l’état fonctionnel des cellules de gliomes.


1. Les chercheurs impliqués dans cette étude sont membres du laboratoire Neurosciences Paris Seine (Institut de biologie Paris-Seine-IBPS), de l’Institut de Biologie Valrose et de l’hôpital Pasteur de Nice, de l’Institut du cerveau Paolo Niemeyer de Rio de Janeiro (Brésil), du Centre de référence des maladies héréditaires du métabolisme de l’hôpital Necker, de l’institut Gustave Roussy, des services de neurochirurgie et de neuropathologie des hôpitaux Necker-Enfants malades et Sainte-Anne.

 

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Figure : Lien entre métabolisme et épigénétique. Dans les cellules souches de gliomes, l'enzyme SSADH permet d’utiliser le GABA pour alimenter le cycle de production de l'énergie dans la mitochondrie (panneau de gauche). Lorsque l'expression ou l'activité de la SSADH sont inhibées, le GABA est réorienté vers la production de GHB, qui inhibe les enzymes TET responsables de l’hydroxyméthylation de l'ADN (5-hmC, panneau de droite). L'inhibition d'une enzyme du métabolisme conduit ainsi à un changement de régulations épigénétiques contrôlant l’expression de gènes et une réduction de l'agressivité de la tumeur (vignettes).

© Elias El-Habr
 

 

 

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