Holoprosencéphalie : un nouveau regard sur la génétique de la cyclopie

Résultats scientifiques

La division anormale des deux hémisphères du cerveau pendant les premières semaines de grossesse entraine la survenue d'une maladie appelée holoprosencéphalie. La forme la plus sévère de cette anomalie, communément appelée « cyclopie », a été sujette à bien des fantasmes. Une équipe de l’Institut de génétique et développement de Rennes a fait coopérer chercheurs et médecin-chercheurs afin de rendre possible un diagnostic génétique rapide basé sur les nouvelles technologies de séquençage. Ces travaux publiés le 23 août 2016 dans la revue Human Mutation, ont permis de revisiter les gènes importants dans cette maladie et fait la preuve de sa complexité génétique.

L’holoprosencéphalie est une maladie rare… pas si rare. En effet, on ne dénombre pas moins d’une naissance sur 10 000 présentant une forme d’holoprosencéphalie en France. Ce qui fait de l'holoprosencéphalie la malformation cérébrale congénitale la plus fréquente chez l'Homme. De quoi attiser la curiosité de bien des équipes de recherche dans le monde, dont l'équipe de Véronique David qui s'intéresse au développement précoce du cerveau des vertébrés.

L'holoprosencéphalie affecte le cerveau de l’embryon pendant les premières semaines de grossesse, au cours desquelles les deux hémisphères se séparent. Lorsque cette division se fait mal, on parle alors d’holoprosencéphalie : bénigne (une simple malformation labiale ou palatine), ou sévère (pas de séparation du tout, déficience intellectuelle et parfois présence d’un œil unique : la fameuse « cyclopie »).

Devenue centre de référence pour cette maladie, l’équipe Rennaise dispose de la plus grande cohorte de patients au niveau mondial. Elle s’est penchée sur les 40% des cas qui sont d'origine génétique, donc causés par des mutations dans des gènes. A ce jour, des mutations ont été retrouvées dans 16 gènes différents, identifiés comme responsables d'holoprosencéphalie chez des patients, et tous impliqués dans la formation du cerveau au cours du développement embryonnaire.

Parmi ces gènes, l’un d’entre eux s’illustre : Sonic Hedgehog (SHH), qui produit une molécule capable de diffuser dans l’embryon. La régulation de sa concentration est donc cruciale : lorsqu’elle n'est pas optimale au cours du développement du cerveau, une holoprosencéphalie apparaît. Tous les autres gènes impliqués dans cette pathologie ont une relation fonctionnelle entre eux et sont de près ou de loin impliqués dans la régulation de la concentration de SHH.

Cependant, on a longtemps pensé que cette pathologie était due à la mutation dans une copie d'un seul gène (mutation hétérozygote). Mais comment expliquer que la plupart du temps, cette même mutation soit retrouvée chez l'un des parents, non affecté ? C’est ce qu’a voulu savoir l’équipe Rennaise, en tentant de montrer que l'accumulation de plusieurs altérations génétiques chez le même patient pouvait être responsable de l'anomalie.

Cette hypothèse jusque-là difficile à vérifier, est aujourd’hui rendue explorable par les techniques de séquençage de nouvelle génération (NGS). En couplant les données de diagnostic et de recherche, les chercheurs ont pu étudier la séquence des 16 gènes incriminés sur 257 patients. Le résultat  apporte la preuve de la complexité de l’holoprosencéphalie en montrant que dans 16% des cas, deux de ces gènes sont mutés chez le même patient – permettant alors de répertorier cette pathologie comme une maladie polygénique.

Les chercheurs démontrent également que les gènes des facteurs de croissance des fibroblastes (FGF) sont bien plus impliqués dans l'apparition d'holoprosencéphalie qu'on ne le pensait, très certainement en contrôlant la concentration disponible de SHH au niveau du cerveau.

Ces résultats ont des répercussions importantes sur le conseil génétique. Véritable référence au niveau mondial, ils font porter un tout nouveau regard sur la cyclopie et l’holoprosencéphalie. Une première étape fondatrice, qui demande à être intensifiée avec la recherche assidue de nouveaux gènes impliqués : à ce jour, seuls 25 % des cas d'holoprosencéphalie ont un diagnostic génétique.

 

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Figure : Grâce à la mise en place d'un centre de référence pour l'holoprosencéphalie à Rennes et à l'avènement des nouvelles technologies (NGS) de séquençage, une cohorte de 257 patients atteints d'holoprosencéphalie a été étudiée. Ceci a permis de fournir une nouvelle classification des gènes. FGF8 et FGFR1 rejoignent SHHZIC2SIX3 et GLI2 parmi les gènes majeurs impliqués dans la pathologie. Plusieurs cas de digénisme ont été décrits impliquant les gènes mineurs tels que SUFUDISP1 et DLL1.

© Valérie Dupé. Christèle Dubourg
 

 

En savoir plus

  • Mutational Spectrum in Holoprosencephaly Shows That FGF is a New Major Signaling Pathway. 
    Dubourg C, Carré W, Hamdi-Rozé H, Mouden C, Roume J, Abdelmajid B, Amram D, Baumann C, Chassaing N, Coubes C, Faivre-Olivier L, Ginglinger E, Gonzales M, Levy-Mozziconacci A, Lynch SA, Naudion S, Pasquier L, Poidvin A, Prieur F, Sarda P, Toutain A, Dupé V, Akloul L, Odent S, de Tayrac M, David V.
    Hum Mutat. 2016 Dec;37(12):1329-1339. doi: 10.1002/humu.23038.

     

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Véronique David