Les algues possèdent des gènes pour vivre sur terre

Résultats scientifiques Biologie végétale

La stratégie génétique adoptée par les plantes quand elles ont conquis les terres émergées il y a 500 millions d'années peut être vue dans leurs gènes. Un consortium international vient de montrer que les gènes des algues Charophytes contiennent de nombreuses innovations évolutives qui ont permis à leur ancêtre commun avec les plantes terrestres, de se propager dans les habitats terrestres. Il apparait que de nombreux caractères autrefois considérés comme spécifiques aux plantes terrestres étaient présents dans le génome de leur ancêtre commun aquatique. Ce travail a été publié le 12 juillet 2018 dans la revue Cell.

Les plantes terrestres forment un groupe d'organismes vivants extraordinairement diversifié, qui présentent une pléthore d'adaptations à des habitats très différents - les puissants arbres géants ainsi que les herbes tendres, les mousses et les plantes à fleurs en font partie. Les plantes terrestres partagent un ancêtre commun avec les algues Charophytes. Les deux lignées se sont séparées il y a plus de 500 millions d'années. Les Charophytes vivent en eau douce et certaines de ces plantes aquatiques développent une morphologie plus complexe que d'autres espèces d'algues apparentées.

Lorsque les plantes ont colonisé le milieu émergé, elles ont été confrontées à de nouvelles conditions environnementales. Par exemple, les plantes pionnières ont dû s’adapter au dessèchement. Plusieurs groupes d'algues ont colonisé les terres émergées, mais un seul groupe s’est installé avec une diversité de formes que l'on voit aujourd'hui sur les surfaces des continents - le grand groupe de plantes terrestres. Quels ajustements génétiques ont eu lieu lorsque les plantes ont quitté l'eau et se sont déplacées vers la terre ferme?

Un groupe international de chercheurs a décodé le génome de Chara braunii, une algue étroitement liée aux plantes terrestres. En comparant la liste des gènes identifiés dans cette algue aquatique avec la liste des gènes trouvés dans les plantes terrestres, ce consortium a pu identifier les changements génétiques qui se sont produits lorsque les plantes ont colonisé la terre en révélant des gènes issus des ancêtres communs des Charophytes et des plantes terrestres. Certains de ces gènes ont été préservés pendant des centaines de millions d'années. Certains nouveaux gènes ont évolué après que les algues et les plantes terrestres se soient séparées. Ces gènes représentent des changements évolutifs associés à l'émergence d'une complexité morphologique telle que nous la connaissons chez plantes terrestres. L'un des faits marquants est qu'un certain nombre de gènes qui étaient auparavant considérés comme typiques pour les plantes terrestres peuvent déjà être trouvés dans ces algues. Cela signifie que certains processus importants qui se produisent lorsque les plantes terrestres poussent sont beaucoup plus anciens que ce que l'on croyait auparavant. En fait, certains de ces caractères ont évolué avant même que les plantes terrestres n'existent.

Cependant, il y a aussi des innovations chez Chara braunii qui ne sont pas présentes dans les plantes terrestres et ont été perdues dans les lignées apparentées. Cela signifie que les plantes ont pris quelques gènes et en ont laissé d'autres quand elles ont quitté l'eau et colonisé la terre il y a 500 millions d'années. Les deux chercheurs toulousains impliqués dans le projet ont par exemple montré que deux familles de gènes, les peroxydases nécessaires pour le contrôle de l’homéostasie des espèces réactives de l’oxygène et des gènes permettant la reconnaissance des microbes environnant étaient particulièrement abondantes chez Chara braunii. Ces multiplications de gènes pourraient expliquer des caractéristiques spécifiques de cette algue, comme la présence d’un microbiome particulièrement riche.

Image retirée.
Figure : Évolution des caractéristiques des algues charophytes et des plantes terrestres. Le cladogramme, représentant l'évolution des Streptophytes, montre le gain/expansion (lignes vertes) et la perte (lignes rouges) des caractéristiques; topologie comme dans (Wickett et al., 2014) avec des termes liés aux phytohormones en bleu et aux facteurs de transcription et régulateurs de transcription en brun. Toutes les abréviations des gènes sont visibles dans le texte de l’article. Les expansions (et les gains/pertes) détectés dans la lignée des Charophytes sont indiqués par des astérisques. Modes de cytokinèse: un sillon de clivage avec fuseau télophase persistant comme chez Klebsormidium et un phragmoplaste observé chez Chara qui diffère de celui des plantes terrestres, car la plaque cellulaire de Chara montre une petite croissance centrifuge mais est formée simultanément à travers l'équateur de la cellule.
© Nishiyama, Sakayama & Rensing

 

Pour en savoir plus :

The Chara Genome: Secondary Complexity and Implications for Plant Terrestrialization.
Nishiyama T, Sakayama H, de Vries J, Buschmann H, Saint-Marcoux D, Ullrich KK, Haas FB, Vanderstraeten L, Becker D, Lang D, Vosolsobě S, Rombauts S, Wilhelmsson PKI, Janitza P, Kern R, Heyl A, Rümpler F, Villalobos LIAC, Clay JM, Skokan R, Toyoda A, Suzuki Y, Kagoshima H, Schijlen E, Tajeshwar N, Catarino B, Hetherington AJ, Saltykova A, Bonnot C, Breuninger H, Symeonidi A, Radhakrishnan GV, Van Nieuwerburgh F, Deforce D, Chang C, Karol KG, Hedrich R, Ulvskov P, Glöckner G, Delwiche CF, Petrášek J, Van de Peer Y, Friml J, Beilby M, Dolan L, Kohara Y, Sugano S, Fujiyama A, Delaux PM, Quint M, Theißen G, Hagemann M, Harholt J, Dunand C, Zachgo S, Langdale J, Maumus F, Van Der Straeten D, Gould SB, Rensing SA.
Cell. 2018 Jul 12;174(2):448-464.e24. doi: 10.1016/j.cell.2018.06.033.

Contact

Pierre-Marc Delaux
Directeur de recherche CNRS