Quand l’organisation nanoscopique des récepteurs rime avec adaptation synaptique

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

L’adaptation des synapses excitatrices est une des bases de la plasticité cérébrale, et implique le recrutement de récepteurs du glutamate de type NMDA. Une collaboration internationale a permis de caractériser l’organisation nanométrique de ces récepteurs aux synapses et montrer comment celle-ci influence leur adaptation. Publiés dans la revue Neuron, ces travaux apportent un éclairage nouveau sur les mécanismes à l’œuvre pendant l’apprentissage et la mémorisation.

Les synapses glutamatergiques supportent l’essentiel des neurotransmissions excitatrices dans le cerveau et ont la capacité de s'adapter, un processus de plasticité généralement considéré comme une des bases de l’apprentissage et de la mémoire. Les récepteurs du glutamate de type NMDA N-méthyl-D-aspartate  (NMDAR) sont des acteurs clés de ces changements d’efficacité, et ont par conséquent été intensivement étudiés au cours des dernières décennies par manipulations génétiques ou pharmacologiques. Deux sous-types principaux de NMDAR, ceux contenant la sous-unité GluN2A ou GluN2B, influent directement sur la capacité de renforcement ou d’affaiblissement des synapses et sont donc de véritables régulateurs de l’adaptabilité des synapses excitatrices!

Néanmoins, il n'y avait jusqu’alors aucune vision de la manière dont ces GluN2A- et GluN2B-NMDAR sont organisés au sein des synapses, de l’évolution de cette organisation au cours du développement, ni de de son implication dans la plasticité synaptique. En combinant des approches de microscopie de super-résolution et de d’électrophysiologie dans l’hippocampe, des chercheurs de l’IINS (Université de Bordeaux/CNRS UMR 5297), du LP2N (Université de Bordeaux/Institut d’Optique), du University College London (UK), et de l’Université de Coimbra (Portugal) ont pu explorer l’organisation nanométrique des GluN2A- et GluN2B-NMDAR aux synapses, et comment celle-ci influence leurs capacités d’adaptation. Ils ont observé que les deux types de récepteurs sont organisés en nano-domaines distincts qui varient en nombre, surface, morphologie et localisation au cours du développement. Ces nano-domaines répondent à des mécanismes de régulation spécifiques à chaque sous-type de récepteurs impliquant des interactions avec des protéines d’échafaudage.

Pour comprendre comment cette distribution nanométrique pouvait influer sur la signalisation synaptique, les chercheurs ont ensuite sélectivement désorganisé ces nano-domaines et, de manière inattendue, ont observé des changements bidirectionnels de la capacité d’adaptation des synapses. Ces découvertes révèlent pour la première fois que l’organisation nanométrique des récepteurs joue un rôle-clé dans la plasticité des synapses. Elles apportent un éclairage nouveau sur notre compréhension des mécanismes moléculaires à l’œuvre lors des processus d’apprentissage et de mémorisation.

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Figure : L’organisation nanométrique des récepteurs NMDA régule la plasticité des synapses. (A) Distribution des récepteurs NMDA à la surface d’un neurone, vue en microscopie conventionnelle (gauche) et en microscopie de super-résolution (droite). La super-résolution permet de révéler l’organisation nanométrique des récepteurs. (B) Nanodomaines synaptiques de récepteurs NMDA (SR-TESSELER), en condition contrôle (gauche) et après désorganisation des récepteurs à l’aide de peptides compétiteurs. Des enregistrements électrophysiologiques révèlent que la capacité de renforcement des courants synaptiques (cf. traces en encarts) est très limitée après désorganisation des nanodomaines de récepteurs NMDA.

© Joana Ferreira / Julien Dupuis / Laurent Groc

 

En savoir plus :

Differential Nanoscale Topography and Functional Role of GluN2-NMDA Receptor Subtypes at Glutamatergic Synapses.
Kellermayer B, Ferreira JS, Dupuis J, Levet F, Grillo-Bosch D, Bard L, Linarès-Loyez J, Bouchet D, Choquet D, Rusakov DA, Bon P, Sibarita JB, Cognet L, Sainlos M, Carvalho AL, Groc L.
Neuron. 2018 Sep 21. pii: S0896-6273(18)30785-2. doi: 10.1016/j.neuron.2018.09.012. [Epub ahead of print]

Contact

Laurent Groc
Directeur de recherche CNRS