Meiose : à force de tirer, ça casse !

Résultats scientifiques Physiologie et cancer

Les fuseaux méiotiques d’ovocytes de souris présentent un mode d’assemblage original, dépendant des chromosomes et de centres organisateurs de microtubules dépourvus de centrioles. Une équipe du Collège de France, en collaboration avec l’Institut Curie et l’Université de Southampton, a pu modifier génétiquement l’architecture de ces centres organisateurs et par là même celle du fuseau.  Ils montrent comment la perturbation des fuseaux ovocytaires génère des anomalies structurales de chromosomes fragiles. Ce travail a été publié le 6 aout 2018 dans la revue The Journal of Cell Biology.

De manière surprenante la méiose chez la femme produit 10 à 35% d’ovocytes n’ayant pas le nombre correct de chromosomes. Ceci pourrait être lié à plusieurs causes: un point de contrôle de l’assemblage du fuseau de division peu sensible, le vieillissement des ovules formés chez la femme lorsqu’elle était elle-même embryon, mais aussi le mode de division très particulier de ces énormes cellules. En effet, à la différence de la plupart des cellules de notre corps, les fuseaux de division méiotique ovocytaire s’assemblent en l’absence des centres majeurs d’organisation des microtubules, les centrosomes.

Chez les rongeurs, ces centrosomes sont remplacés par de multiples foyers de nucléation des microtubules, appelés aMTOCs (acentriolar MicroTubules Organising Centres). Lors de l’assemblage du fuseau de première division de méiose, ces aMTOCs sont fragmentés, puis triés en deux lots afin de constituer les deux pôles du fuseau de division.

Pour estimer l’impact de l’organisation de ces aMTOCs sur l’assemblage du fuseau, les chercheurs ont génétiquement perturbé leur morphogenèse. Pour ce faire, ils ont généré des souris transgéniques surexprimant de manière conditionnelle le gène Plk4 (Polo Like Kinase 4), un régulateur majeur des centrosomes, lors de la phase de croissance de l’ovocyte dans son follicule avant sa division. La perturbation de l’architecture de ces aMTOCs entraine une augmentation de la densité de microtubules dans les fuseaux et accélère leur formation. Ces fuseaux plus denses, formés plus rapidement, favorisent l’apparition de chromosomes bivalents qui cassent dans des sites fragilisés suite à l’action de la recombinase Cre. La fréquence de ces bivalents endommagés dépend en effet de la densité de microtubules, et donc des forces exercées sur ces chromosomes fragiles. D’ailleurs cette fréquence chute lorsque la densité de microtubules dans ces fuseaux anormaux est elle-même artificiellement diminuée. Enfin, en lien avec la faiblesse du point de contrôle du fuseau, ces bouts de chromosomes échappent aux mécanismes de surveillance et pourront être transmis par l’ovocyte à la descendance.

Ce travail révèle comment les forces présentes dans les fuseaux méiotiques ovocytaires qui tirent durant de longues heures sur des chromosomes bivalents potentiellement fragilisés pourraient générer des anomalies structurales, causes, chez l’homme, de maladies de développement invalidantes.

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Figure : Une fragmentation précoce des aMTOCs en Prophase I de méiose augmente la densité de microtubules qui, associée à des chromosomes fragilisés par la recombinaison, induit une cassure du bivalent en méiose ovocytaire chez la souris.
© Marie-Helène Verlhac

 

Pour en savoir plus :

Chromosome structural anomalies due to aberrant spindle forces exerted at gene editing sites in meiosis.
Manil-Ségalen M, Łuksza M, Kanaan J, Marthiens V, Lane SIR, Jones KT, Terret ME, Basto R, VerlhacMH.
J Cell Biol. 2018 Aug 6. pii: jcb.201806072. doi: 10.1083/jcb.201806072. [Epub ahead of print]

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Marie-Hélène Verlhac
Directrice de recherche CNRS