Un nouveau lien entre intégrité du génome et inflammation
Figure : (A) SAMHD1 protège les cellules humaines de l’infection par le virus VIH en réduisant les pools de dNTPs. La présence d’acides nucléiques exogène dans la cellule est signalée par la voie cGAS-STING, qui induit une réponse inflammatoire via la pro

Un nouveau lien entre intégrité du génome et inflammation

Résultats scientifiques

Des chercheurs de l’Institut de Génétique Humaine (IGH, Montpellier) ont mis en évidence un nouveau rôle pour la protéine SAMHD1 dans la réplication de l’ADN. En absence de SAMHD1, des petits fragments d’ADN produits par la réplication anormale des chromosomes s’échappent du noyau et s’accumulent dans le cytoplasme, où ils activent des senseurs de l’immunité innée. Ces résultats permettent d’expliquer pourquoi la perte de SAMHD1 induit une inflammation chronique dans le syndrome d’Aicardi-Goutières. Ces travaux ont été publiés le 18 avril 2018 dans la revue Nature.

SAMHD1 est une protéine exprimée dans la plupart des cellules humaines dont la fonction est de contrôler les niveaux intracellulaires de désoxyribonucléotides triphosphates (dNTPs), les constituants de base de l’ADN. Des travaux précédents avaient montré que SAMHD1 protège les cellules de l’infection par le VIH en réduisant la quantité de dNTPs disponibles dans les cellules quiescentes. Ici, ils ont identifié un nouveau rôle de SAMHD1 dans la réplication de l’ADN, qui est distinct de sa fonction antivirale et qui révèle l’existence d’un lien direct entre stress réplicatif et inflammation.

La réplication de l’ADN est un processus complexe, permettant de dupliquer l’intégralité du génome (environ deux mètres d’ADN par cellule humaine) avant la division cellulaire. Ce processus est accompli par des milliers de fourches de réplication, micromachines moléculaires progressant le long des chromosomes. Au cours de leur progression, ces complexes rencontrent fréquemment des obstacles entrainant leur arrêt, communément appelé stress réplicatif. Les fourches bloquées sont des structures fragiles qui doivent être rapidement redémarrées afin d’éviter la formation de cassures chromosomiques. Le redémarrage des fourches implique de nombreuses nucléases et hélicases à ADN, dont la fonction est de remodeler la structure de la fourche afin de la réactiver.

Dans le cadre d’une collaboration internationale impliquant sept équipes dans quatre pays différents (France, Italie, République Tchèque et Grande-Bretagne), les chercheurs de l’IGH ont montré dans des lignées cellulaires humaines que SAMHD1 interagit physiquement avec la nucléase MRE11 et stimule son activité de dégradation de l’ADN nouvellement répliqué afin de redémarrer les fourches bloquées. Cette nouvelle fonction de SAMHD1 est finement régulée au cours du cycle cellulaire par des mécanismes de phosphorylation.      

La perte de SAMHD1 augmente le risque de cancers. Elle induit également une inflammation chronique et de graves encéphalopathies chez les patients souffrant du syndrome d’Aicardi-Goutières. Cette inflammation chronique est liée à la production d’interférons de type I (IFN-I), mais les mécanismes impliqués sont encore mal connus. Dans cette étude, les chercheurs ont montré que la réparation incorrecte des fourches de réplication en absence de SAMHD1 libère de petits fragments d’ADN qui s’échappent du noyau et s’accumulent dans le cytoplasme, où ils sont incorrectement reconnus comme non-soi par les mécanismes d’immunité innée, induisant la production d’IFN-I. Au-delà de l’étiologie du syndrome d’Aicardi-Goutières, ces résultats mettent en évidence l’existence d’un lien direct entre stress réplicatif et inflammation.

Les fourches de réplication représentent la cible principale des agents utilisés en chimiothérapie. Etant donné l’importance de l’inflammation et du système immunitaire dans l’élimination des cellules tumorales, une meilleure compréhension des liens entre stress réplicatif et inflammation permettra de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques combinant chimiothérapie classique et immunothérapie.

Image retirée.
Figure : (A) SAMHD1 protège les cellules humaines de l’infection par le virus VIH en réduisant les pools de dNTPs. La présence d’acides nucléiques exogène dans la cellule est signalée par la voie cGAS-STING, qui induit une réponse inflammatoire via la production d’interférons (IFNs). La phosphorylation de SAMHD1 par les CDK de phase S lui confère une nouvelle fonction dans le redémarrage des fourches de réplication bloquées. (B) En absence de SAMHD1, les pools de dNTPs sont dérégulés, ce qui perturbe la réplication du génome. Les fourches de réplication mal réparées libèrent de petits fragments d’ADN qui s’accumulent dans le cytoplasme et sont incorrectement reconnu comme non-soi par la voie cGAS-STING, ce qui induit une inflammation chronique.
© Philippe Pasero

 

En savoir plus

  • SAMHD1 acts at stalled replication forks to prevent interferon induction.
    Coquel F, Silva MJ, Técher H, Zadorozhny K, Sharma S, Nieminuszczy J, Mettling C, Dardillac E, Barthe A, Schmitz AL, Promonet A, Cribier A, Sarrazin A, Niedzwiedz W, Lopez B, Costanzo V, Krejci L, Chabes A, Benkirane M, Lin YL, Pasero P.
    Nature. 2018 Apr 18. doi: 10.1038/s41586-018-0050-1. [Epub ahead of print]

Contact

Philippe Pasero
Institut de Génétique Humaine
Yea-Lih Lin
Institut de Génétique Humaine