Un médicament anti-leucémique pour traiter les cancers colorectaux métastatiques ?
Figure : L’activation du récepteur DDR1 par le collagène va induire l’activation de la voie de signalisation BCR/b-caténine et l’invasion des cellules de cancer colorectal. L’inhibition de l’activité kinase de DDR1 par le nilotinib permet de diminuer l’in© Marie Lafitte, Audrey Sirvent

Un médicament anti-leucémique pour traiter les cancers colorectaux métastatiques ?

Résultats scientifiques

Le cancer colorectal métastasique est de très mauvais pronostic avec seulement 10% de chance de survie à 5 ans. Les travaux publiés le 9 février 2018 dans la revue EMBO Molecular Medicinemontrent que l’inhibition de l’activité du récepteur au collagène DDR1 par un médicament anti-leucémique, le nilotinib, permet de réduire les propriétés métastatiques des cellules de cancer colorectal. Ce médicament pourrait donc permettre d’améliorer l’efficacité des traitements thérapeutiques de ces cancers agressifs.

Le cancer colorectal reste l'un des cancers les plus répandus dans les pays industrialisés. Avec plus de 40 000 nouveaux cas par an, il se place en troisième position des cancers en France en termes d’incidence et en deuxième place en termes de mortalité, ceci malgré les progrès permanents de la chirurgie, des traitements et du dépistage. Ce sont principalement les stades avancés de la maladie, lorsqu’il y a eu dissémination dans l’organisme et apparition de métastases dans d’autres organes, qui sont de très mauvais pronostic avec environ seulement 10% de chance de survie à 5 ans. La recherche de nouvelles thérapies permettant de bloquer la dissémination des cellules cancéreuses et la croissance des métastases est donc de toute première importance pour le traitement des patients. 

Les chercheurs ont mis en évidence que le récepteur au collagène DDR1 joue un rôle clé dans ce processus tumoral. En effet, le développement de la tumeur s’accompagne d’un dépôt de collagène au sein et autour de la tumeur (appelé microenvironnement tumoral) et ce dernier va conduire à l’activation soutenue de DDR1. Une fois activé, ce récepteur va promouvoir les capacités des cellules tumorales à envahir les tissues distants et à former des métastases. Les chercheurs ont identifié un des mécanismes impliqués. Ainsi par des approches de protéomique, ils ont démontré que la phosphorylation de la protéine de signalisation BCR par DDR1 était une étape-clé de ce processus, qui permet le maintien d’une activité transcriptionnelle soutenue de l’oncogène majeur de ce cancer : la protéine b-caténine. 

De manière intéressante, les chercheurs ont identifié une stratégie inattendue pour bloquer l’activité métastatique de ce récepteur. En effet, cette fonction de DDR1 est médiée par son activité kinase intracellulaire qui est inhibé de manière très efficace par le nilotinib, un médicament qui est couramment utilisé pour traiter certaines leucémies. En accord avec cette observation, ils montrent que ce médicament réduit fortement la formation des métastases provoquées par la greffe de cellules de cancer colorectal de patients chez la souris immunodéprimée. A terme, ces résultats pourraient conduire à un nouvel essai thérapeutique incluant le nilotinib afin de repositionner ce médicament anti-leucémique dans le traitement des cancers colorectaux en phase métastatique.

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Figure : L’activation du récepteur DDR1 par le collagène va induire l’activation de la voie de signalisation BCR/b-caténine et l’invasion des cellules de cancer colorectal. L’inhibition de l’activité kinase de DDR1 par le nilotinib permet de diminuer l’invasion cellulaire et la formation de métastases.
© Marie Lafitte, Audrey Sirvent 

 

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